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L’hospitalité : savoir bien recevoir à l’hôpital

Évoquer l’alimentation à l’hôpital, ce serait inévitablement rappeler un constat ancien selon lequel les patients ne sont pas satisfaits de la qualité des repas servis. Pourtant, les hospitaliers identifient bien l’alimentation au rang des fonctions hôtelières qui participent à la qualité de l’accueil des patients lors de leur séjour et représente un enjeu d’image et d’attractivité.

Depuis plusieurs années, l’alimentation est considérée comme un soin, donc au cour des priorités de l’institution, et la question de la dénutrition est désormais mieux connue : nous savons que 35 % des personnes âgées entrant à l’hôpital sont dénutries et que l’hospitalisation en elle-même peut entraîner une détérioration de l’état nutritionnel des patients indépendamment de leur pathologie. Ces situations sont de nature à allonger les Durées Moyennes de Séjour, à l’aune desquelles la performance des services est évaluée. Les initiatives aussi se multiplient pour proposer, par exemple aux patients atteints de cancer, des choix de prestations alimentaires mieux adaptés, ces initiatives sont saluées et recueillent un large écho médiatique. L’amélioration des résultats ne serait pas à la hauteur de cette prise de conscience.

Les hôpitaux dépensent en moyenne six fois moins pour l’alimentation que pour les médicaments, il s’agit pourtant là d’un poste budgétaire considérable. La Direction Générale de l’Offre de Soins a initié, sous forme d’appel à candidature, une expérimentation pour vérifier l’hypothèse selon laquelle « l’objectif, pour un établissement de santé, d’améliorer le niveau de satisfaction de la nutrition de ses patients n’engendre pas forcément une augmentation de ses charges de restauration, si ce dernier procède à une meilleure maîtrise des quantités achetées au regard des quantités consommées ], à un assouplissement dans le nombre des recettes et des préparations culinaires et à une meilleure maîtrise des charges dédiées au service ».

En effet, les contraintes qui pèsent sur la restauration hospitalière sont largement organisationnelles, c’est l’un des enseignements de l’avis du CNA qui sera exposé ci-après. Les solutions sont à rechercher dans l’innovation, conformément à la demande des patients qui se diversifie mais aussi à l’évolution des prises en charge. Le développement des « hôpitaux de jour » s’accompagne de la mise en place de « libre-service » proposant « à tout heure » des produits nouveaux. Le plaisir alimentaire est mis au service de la lutte contre la dénutrition, la notion de convivialité, le rôle social de l’alimentation sont réinvestis. Dans ces domaines, les hospitaliers sont mobilisés et se rapprochent des chercheurs et des professionnels de l’agroalimentaire pour trouver de nouvelles recettes.

Nicolas MEVEL, Directeur adjoint du Centre hospitalier intercommunal de Cornouaille (Quimper)

A suivre : Projet NutriCHIC (2018-2021) : porté par le Centre Hospitalier de Cornouaille (CHIC), ce projet collaboratif labellisé par Valorial en décembre 2017 a pour objectif d’« améliorer l’expérience alimentaire en EHPAD pour les résidents et les professionnels afin de lutter plus efficacement contre la dénutrition et accroitre, par le plaisir alimentaire, le bien-être individuel et collectif ».

Interview

Alimentation hospitalière : la dénutrition n'est pas une fatalité

Le Conseil National de l’Alimentation (CNA) est le CNA est une instance consultative placée auprès des ministères de l’environnement, de la consommation, de la santé et de l’agriculture qui se définit comme le « Parlement de l’Alimentation » et émet des avis consultatifs sur des problématiques de l’alimentaire. En juillet 2017, il a publié l’Avis n°78 « Alimentation en milieu hospitalier ».

Pour quelle(s) raison(s) le CNA s’est-il penché sur l’alimentation en milieu hospitalier ?

Les constats qui ont conduit le CNA à se saisir de la question de l’alimentation à l’hôpital sont les suivants : une prévalence importante de la dénutrition à l’hôpital avec un impact important sur l’évolution des maladies (augmentation de la morbidité voire de la mortalité ; en pratique cela se traduit par des prolongations et réitérations des hospitalisations) et l’identification d’un lien entre la dénutrition et le séjour hospitalier. L’hospitalisation se révèle ainsi être un facteur de risque indépendant des caractéristiques du sujet et de sa pathologie. De ce fait, le CNA a souhaité mener un travail de concertation sur le sujet pour formuler des recommandations. L’objet de ces recommandations est de faire de l’alimentation non plus un facteur de risque mais une opportunité de conserver ou d’améliorer l’état nutritionnel des patients.

Quels sont les principaux enjeux de l’alimentation à l’hôpital ?

Pour le CNA, l’alimentation à l’hôpital est au carrefour de quatre types d’enjeux. Les enjeux de santé publique sont prépondérants et directement liés aux constats rappelés ci-dessus : l’alimentation peut être vue comme une opportunité de conserver ou d’améliorer le statut nutritionnel des patients. Des enjeux sociétaux ont également été identifiés concernant notamment la place du patient à l’hôpital et la prise en compte des dimensions symboliques, sociales et affectives de l’alimentation. Il y a également des enjeux économiques, liés aux enjeux de santé publique : les externalités négatives du système actuel sont nombreuses du fait du coût masqué de la dénutrition et de celui lié au gaspillage alimentaire. Enfin, l’alimentation à l’hôpital concerne des enjeux politiques avec des questions liées à l’investissement et au rôle d’impulsion des pouvoirs publics, moteurs pour légitimer et valoriser la place de l’alimentation dans l’univers hospitalier.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces enjeux économiques ? En quoi le gaspillage alimentaire et la dénutrition sont-ils liés ?

L’Académie de Pharmacie a fait état de coûts importants liés à la dénutrition à l’hôpital. Au moment des travaux du CNA, il n’existait a priori pas d’étude permettant de chiffrer précisément ces coûts financiers en France.

Le Royaume Uni a cependant évalué le coût de la dénutrition à 13 milliards de livres sterling (environ 15 milliards d’euros) par an (source : Combating Malnutrition: recommandations for action, BAPEN report, 2009).

La dénutrition et le gaspillage alimentaire ont parmi leurs causes la sous-consommation alimentaire des patients par rapport à ce qui leur est proposé (ce n’est pas l’unique cause). La dénutrition est liée à une inadéquation entre les besoins nutritionnels du malade et sa consommation alimentaire réelle (en macro et micro nutriments). Le gaspillage alimentaire est, en partie, lié aux restes de ce que les patients n’ont pas consommé. Un trop grand nombre de régimes alimentaires peut également être à l’origine du gaspillage.

Y a-t-il des éléments factuels concernant les liens entre le pronostic de la maladie et l’alimentation prise par le malade ?

Ces liens ont été identifiés par différentes études (les références sont précisées dans l’avis) qui ont servi de base aux travaux du CNA autour de l’idée de « mieux manger pour mieux guérir ». Ce n’est cependant pas le rôle du CNA que de réaliser de telles études.

Pourquoi peut-on parler spécifiquement de dénutrition « hospitalière » ? Quels sont les différents facteurs qui conduisent à une dénutrition lors d’un séjour hospitalier ?

Nous pouvons parler de « dénutrition hospitalière » pour deux raisons : le phénomène de dénutrition est très présent à l’hôpital et l’hospitalisation, en tant que telle, est une des causes de cette prépondérance de la dénutrition à l’hôpital.

Les causes de la dénutrition sont multiples : la maladie elle-même, les traitements, le niveau socio-économique du patient et, comme évoqué plus haut, le séjour hospitalier en lui-même. L’alimentation est partie intégrante de ce séjour hospitalier et pour des raisons que le CNA a tenté d’identifier, celle-ci peut participer au développement de situations de dénutrition.

Pensez-vous qu’il faille distinguer l’alimentation des « vrais » soins médicaux portés au patient ?

Dans son avis, le CNA propose de repenser la place de l’alimentation tant dans les missions de l’hôpital que dans l’espace hospitalier. Pour le CNA, il est essentiel de diversifier les lieux de consommation des repas en donnant aux patients le choix de leurs repas et de l’endroit où ils souhaitent le consommer.

L’avis du CNA reprend la notion de « dégoût cognitif » pensée par le psychologue Paul Rozin qui estime que la confusion entre l’espace de soins et l’espace de consommation du repas (très souvent, la chambre) peut provoquer un dégoût. Il précise qu’à l’hôpital, le patient ne sait pas d’où vient la nourriture qu’on lui propose, ne l’a que rarement choisie et risque de l’associer aux impressions négatives que cet environnement très particulier peut susciter. On estime également qu’il est très important de faire du repas un « temps protégé » pendant lequel le patient n’a ni examens, ni visites médicales qui perturbent le moment du repas.

Enfin, et même si l’avis du CNA ne portait pas spécifiquement sur les aspects cliniques, il a été précisé qu’ « en cas de dénutrition sévère, les complications infectieuses post-opératoires augmentent de 10 à 20 % » et les complications « non infectieuses de plus de 40 % », ce qui fait donc de l’alimentation un réel enjeu en matière de soins.

En quoi le fait de donner un vrai choix alimentaire au patient peut-il améliorer son alimentation ?

De nombreuses études (les références sont également précisées dans l’avis) montrent les conséquences positives d’offrir un choix alimentaire au patient : meilleure prise du repas, meilleure satisfaction. Les participants au groupe de concertation ont également pu témoigner de l’importance du choix positif pour les patients à partir de leurs propres expériences. Le projet ALIMS (Alimentation et Lutte contre les Inégalités en Milieu de Santé) s’est par exemple intéressé au repas à l’hôpital et à la place de l’alimentation dans le dispositif de soins. Un protocole mis en place au CHU de Dijon dans le cadre de ce projet a mis en évidence la diminution du gaspillage alimentaire ainsi qu’une augmentation de la satisfaction lorsque le patient dispose d’un choix.

Quelles sont les limites du service en chambre ? Quelles sont les recommandations du CNA à ce sujet ?

Pour le CNA, les limites du service en chambre sont nombreuses : le patient n’a que peu la possibilité de se déplacer alors que la mobilité est primordiale pour la guérison ; le personnel soignant a peu de temps à accorder au service du repas et peu de réflexes hôteliers ; la logistique nécessaire pour servir le repas en chambre est coûteuse et peu efficace ; le patient choisit rarement son repas (cela dépend de nombreux facteurs liés à la conjoncture). Comme évoqué avant, la confusion entre l’espace de soins et l’espace de consommation du repas peut provoquer un dégoût.

Ainsi, le CNA recommande d’inverser le paradigme du repas. Il s’agit aujourd’hui d’un service à la chambre par défaut ; nous proposons de rendre ce service à la chambre exceptionnel. Pour cela le CNA recommande de simplifier la production (de nombreux régimes alimentaires n’ont pas ou plus de justification médicale ou scientifique) et de diversifier les lieux de consommation (restaurants, self-service, distributeurs de repas…).

Quelle place peuvent trouver les industriels de la RHD dans l’amélioration de l’alimentation à l’hôpital ?

Pour ce qui est des sociétés de restauration collective impliquées dans la fabrication des denrées, l’avis ne met pas spécifiquement en cause la qualité de la production elle-même. En effet, si les enquêtes de satisfaction révèlent globalement une insatisfaction des patients, la plupart des acteurs du groupe de concertation considèrent que la qualité de la production est, sauf exceptions, acceptable et rappellent d’ailleurs que celle-ci est aussi utilisée pour l’alimentation des personnels hospitaliers. D’autre part, le groupe de concertation du CNA insiste sur la difficulté à mettre en ouvre une multiplicité de menus liés à des « régimes » spécifiques, « sans réelle justification scientifique ou médicale ».

Les industriels peuvent permettre de répondre à certains besoins spécifiques, notamment l’adaptation des textures alimentaires ou les innovations matérielles, par exemple sur les plateaux repas, les contenants… Certains hôpitaux ont fait le choix de réduire le nombre de régimes à une poignée considérés comme majeurs et ont par exemple travaillé directement avec des acteurs industriels sur la compatibilité d’un plat avec plusieurs régimes.

Existe-t-il des différences majeures concernant l’alimentation entre les établissements publics et privés ?

Le CNA n’a pas relevé de différence majeure entre les différents modes de gestion. Concernant les établissements hospitaliers publics ou privés, le CNA n’a pas spécifiquement travaillé à cette distinction et s’est principalement concentré sur les exemples des hôpitaux publics. Cependant, il existe des différences concernant l’offre alimentaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées, leur modèle financier étant bien sûr différent. Ainsi, les cliniques peuvent par exemple proposer des menus différenciés en faisant payer la prestation, la qualité des repas étant alors valorisable et facteur d’attractivité pour les usagers.

Propos recueillis par Clarisse LEMAITRE,

A consulter Conseil National de l’Alimentation (CNA), juillet 2017 : Avis n°78, Alimentation en milieu hospitalier

A visionner : Vidéo de présentation de l’avis

Vient de paraître

Obésité: Aspect Physiopathologique et Stratégie d'Approche Génétique

Séverine DUBOIS, Éditions Presses académiques francophones, septembre 2018, 244 pp., 69 €.

L’obésité est reconnue comme une maladie multifactorielle complexe, qui conduit sous la dépendance de facteurs environnementaux à un déséquilibre énergétique favorable au stockage sous forme de graisses chez les sujets qui sont génétiquement prédisposés. Pour étudier et comprendre les mécanismes moléculaires à l’origine de l’obésité, l’auteur a entrepris une approche gène candidat, en étudiant dans une cohorte de patients obèses le gène de la protéine découplante UCP3. En parallèle, il a réalisé un genome-scan de 158 familles obèses et identifié un gène candidat potentiel : Gad2. Trois SNPs situés dans la région 5′ de ce gène ont été associés aux paramètres de comportement alimentaire chez des sujets à obésité massive. Nous avons mis en évidence une nouvelle voie physiopathologique potentielle impliquant le neurotransmetteur du système nerveux central GABA susceptible d’intervenir dans le déterminisme de l’obésité et contribuant ainsi à une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires de l’obésité.

Découvrez les vertus du curcuma

Philippe CHAVANNE, Alpen Éditions, octobre 2018, 127 pp., 10 €.

Antioxydant, anti-inflammatoire, plus efficace que le paracétamol en cas de douleurs chroniques, le curcuma diminuerait les effets de la chimiothérapie et freinerait la prolifération de certains cancers. Il serait utile dans le traitement des rétinopathie chez le diabétique. Basé sur les dernières études scientifiques sur le sujet, Philippe Chavanne fait découvrir au lecteur les nombreux bienfaits santé de cette épice à (re)découvrir !

Salons & Évènements

Colloque INRA : « Grand âge et petit appétit : prévenir la dénutrition chez la personne âgée dépendante »

20 novembre 2018, Paris 14ème

Journées Francophones de Nutrition (JFN)

28-30 novembre 2018, Nice

17èmes Ateliers de nutrition de l'Institut Pasteur de Lille : « Prévention : comment parler de nutrition aujourd'hui ? »

13 décembre, Lille

12èmes Journées de Recherches en Sciences Sociales INRA-SFER-CIRAD

13-14 décembre 2018, Nantes

VALORIAL

8, rue Jules Maillard de la Gournerie

35000 Rennes

France

Tél : +33 (0)2 99 31 53 05

Email : valorial@pole-valorial.fr

www.pole-valorial.fr

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