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Sera-t-il possible un jour de classifier sans ambigüité les aliments selon leur degré de transformation ? Globalement, les critiques portent sur le manque de clarté des classifications existantes, et en particulier sur la classification NOVA. L’absence de règles claires, ainsi que de liste exhaustive d’ingrédients considérés comme des marqueurs d’ultra-transformation, conduit à des doutes pour certains produits.

Puisque cette tâche semble complexe dans l’immédiat, celle-ci est théoriquement éligible à un programme d’intelligence artificielle qui, à partir de données d’entraînement, serait capable d’établir une « règle » pour différencier les 4 catégories d’aliments selon NOVA. Dans cette étude, des chercheurs américains ont émis une hypothèse audacieuse : un programme informatique serait capable, à partir des teneurs en nutriments des aliments, de catégoriser le degré de transformation de cet aliment ; en supposant que les quantités « naturelles » de nutriments sont « contraintes ». Si cette hypothèse est vraie, alors le programme pourrait être très pertinent, dans la mesure où les informations nutritionnelles peuvent être accessibles sans ambiguïté à tous.

Le programme FoodProX a tout d’abord été entraîné sur des données déjà utilisées par les chercheurs, et pour lesquels la classification NOVA avait été déterminée. À partir des données sur les nutriments, l’algorithme parvient à discriminer, selon une probabilité d’appartenance au groupe NOVA 4, des aliments peu transformés et des aliments ultra-transformés. Par exemple, un oignon peut être cru, cuit à l’eau, frit, ou sous forme de chips : toutes ces transformations successives sont captées par l’algorithme. Vu qu’il s’agit d’une probabilité, d’un point de vue mathématique, le résultat est une variable continue. Or, la classification NOVA, divisée en quatre groupes, est par définition discrète. Les chercheurs n’établissent cependant pas de « seuils » de probabilité à partir desquels les aliments pourraient définitivement tomber dans la catégorie NOVA 4.

La stabilité de FoodProX par rapport à l’évolution des recettes de produits dans le temps est fondamentale. Pour vérifier cette stabilité, les chercheurs sont repartis des bases de données américaines à différents intervalles de temps (2009-2010, et 2015-2016). Pour des aliments types, comme des laits ou des cookies, la probabilité de classification n’a que très peu varié.

Les chercheurs américains se sont également appuyés sur la base de données Open Food Facts, qui liste les additifs dans les recettes des aliments. Puisque les additifs peuvent être considérés théoriquement comme des meilleurs marqueurs d’ultra-transformation, par rapport à des variations de nutriments, les chercheurs ont souhaité savoir si la version initiale de FoodProX pouvait être améliorée en ajoutant l’information sur les additifs. Si l’ajout de cette information améliore en effet l’algorithme, cette amélioration est très légère, et ne change pas le classement déjà établi par l’algorithme initial.

La robustesse de l’algorithme démontrée, les chercheurs se sont enfin focalisés sur des aspects de santé publique. A partir de données de consommation américaines, et des probabilités de classification, il est possible d’établir un « score » qui reflèterait l’adhérence d’une personne à une alimentation globalement ultra-transformée, ou à l’inverse peu transformée. Pour ce faire, les données de la cohorte NHANES 1999-2006 ont été utilisées : données qui regroupaient à la fois des consommations alimentaires, mais aussi des données de santé. Dans ce cas de figure, les chercheurs ont pu établir des corrélations entre le « score » de transformation, et certains paramètres de santé : risque de diabète de type 2, taux circulants de protéine C-réactive (marqueur de l’inflammation).

Cette nouvelle manière de classifier les aliments présente des avantages certains, mais aussi quelques défauts. L’avantage le plus évident est de disposer d’une procédure automatisée permettant d’établir une probabilité d’appartenance à la catégorie des aliments ultra-transformés : le classement à la main, sujet à des biais, est donc balayé. C’est un atout pour les futures recherches épidémiologiques. Néanmoins, des seuils de probabilité manquent pour être sûr d’avoir affaire à un aliment NOVA 4. De même, les catégories NOVA 2 et NOVA 3 ne sont pas évoquées non plus dans l’article scientifique. Enfin, l’importance accordée aux nutriments est à contretemps de la recherche systématique d’ingrédients ultra-transformés pour reformuler les recettes. De ce point de vue, l’algorithme ne répond pas tellement à des objectifs de reformulation ; principal reproche qui était déjà adressé à NOVA.

 

Machine learning prediction of the degree of food processing.

Article publié le 21 avril 2023 dans Nature Communications.

Lien (open access) : https://doi.org/10.1038/s41467-023-37457-1