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“Protéines”, un mot magique pour le marketing ?

Historiquement, l’accès à la viande était réservé à une élite. Pour les populations les plus modestes, l’apport protéique se faisait par le biais des protéines végétales, notamment par les légumineuses. Après la Seconde Guerre Mondiale, l’accès à la viande s’est démocratisé : les régimes alimentaires ont évolué. Ainsi en 1980, la consommation de viande est à son paroxysme en France avec une répartition protéines animales/protéines végétales à 70/30. Depuis, la tendance inverse est observée, et celle-ci s’accentue ces dernières années : la consommation de viande est en baisse, et ce pour de multiples raisons (image délétère de la viande sur la santé, considérations environnementales, prise en compte du bien-être animal…).

De leur côté, les protéines végétales investissent de plus en plus l’offre alimentaire. Les industriels négocient ce virage vers plus de protéines végétales en proposant des alternatives 100 % végétales ou hybrides pour répondre à la demande croissante des consommateurs. Selon le GEPV, en 1989, 300 produits contenaient des protéines végétales, en 2019, ce chiffre atteint 5400 produits : soit près de 20 fois plus en 30 ans ! Cette évolution est d’autant plus marquée aux rayons traiteur et ultra-frais puisqu’entre 2017 et 2019, le nombre de produits intégrant des protéines végétales a été doublé (GEPV, 2019).

« Protéines végétales », « riche en protéines »… que ce soit leur origine ou leur quantité, les allégations nutritionnelles mettant en avant les protéines sont omniprésentes sur les produits. La présence des protéines végétales est un argument de vente à part entière qui n’est plus réservé à la communauté sportive. En effet, face aux lipides et aux glucides décriés à tour de rôle, les protéines bénéficient d’une image positive auprès des consommateurs en général : 93 % d’entre eux jugent les protéines végétales « bonnes pour la santé » (GEPV, 2015).

Méfiance envers les autres macronutriments et explosion de l’offre alimentaire de produits enrichis en protéines, quelles conséquences ces phénomènes ont-ils sur la couverture des besoins en protéines ? Et si un déséquilibre de l’apport en macronutriments – Protéines : 10 à 20 % de l’AET / Lipides : 35 à 40 % de l’AET / Glucides : 40 à 55 % de l’AET recommandés par l’Anses – au profit des protéines est observé, cela aura-t-il des conséquences sur la santé ?

Doriane LANGLAIS, Foodinnov Nutrition

(1) GEPV, 2015. Comment sont perçues les protéines végétales par les consommateurs ?, Communiqué de presse, 19 juin 2015. (2) GEPV, 2019. Les protéines végétales en plein essor !, Communiqué de presse, 25 juin 2019. (3) WWF, 2019. Pulse fiction, pour une transition agricole et alimentaire durable. Rapport WWW, Octobre 2019.

INTERVIEW

Surconsommation de protéines

Que sont les protéines ? Quels sont leurs rôles dans le corps humain ?

Les protéines constituent 17 % du corps humain. Elles contribuent au bon fonctionnement de l’organisme, car elles rentrent dans la composition de nombreux tissus (muscles, os), mais aussi des enzymes, des hormones ou encore des anticorps. Les protéines sont des enchaînements d’acides aminés, et doivent être renouvelées en permanence. Vingt acides aminés composent les protéines du corps humain, parmi les centaines d’acides aminés existant dans le monde vivant. Sur ces 20 acides aminés, neuf sont dits indispensables au sens où l’organisme est incapable de les synthétiser : il faut donc les trouver obligatoirement dans les aliments en quantité suffisante. Comme les acides aminés servent à la synthèse protéique, il faut qu’ils soient apportés en quantité équilibrée : si un seul de ces acides aminés est manquant, la synthèse protéique sera réduite à hauteur de l’acide aminé limitant. L’alimentation doit donc permettre un apport adéquat en acides aminés, et en particulier apporter les acides aminés indispensables.

Quelles sont les recommandations actuelles concernant les besoins en protéines ?

Cela dépend de la tranche d’âge. Chez l’adulte en bonne santé, les recommandations de l’Anses correspondent à 0,83 g/kg/jour (soit environ 58 g/jour pour un homme de 70 kg, et 45 g/jour pour une femme de 55 kg). On est actuellement largement au-dessus des recommandations pour la population générale. Déjà, l’étude Inca 1, sur laquelle s’appuie le rapport de l’Afssa définissant les besoins en protéines, avait montré que l’apport moyen de protéines en France était de 1,4 g/kg/j chez les adultes. Même si une tendance à la baisse avait été constatée suite à l’étude Inca 2, les résultats de l’étude Inca 3 ont confirmé que les apports étaient au-dessus des recommandations (83,2 g/jour en moyenne) (Afssa, 2000 ; Anses, 2009 ; Anses, 2017).

Quelle est la part des protéines animales et végétales en France ?

Les produits animaux (viandes, œufs, poissons…) représentent environ 60 % de l’apport protéique en France, le reste étant assuré par les produits végétaux (céréales et légumineuses). À titre de comparaison, dans les pays en voie de développement, 75 % de l’apport protéique est assuré par les végétaux ; c’est l’inverse aux Etats-Unis. L’objectif est d’avoir un équilibre entre protéines animales et protéines végétales, donc 50 % pour chaque. L’étude Inca 3 souligne que la part des protéines végétales (40 %) est en progression, se rapprochant de cet objectif. Il faut garder en tête que cette valeur est assez empirique et ne repose pas sur de vraies preuves scientifiques qui montreraient que 50 % de protéines animales et 50 % de protéines végétales est un optimum à atteindre. Il s’agit de tenir compte de plusieurs critères quand on définit cet objectif de 50 % : la qualité de la protéine, les effets sur la santé humaine, mais aussi la dimension environnementale qui préconise de réduire la part des produits animaux, et donc de protéines animales.

Comment évalue-t-on aujourd’hui la qualité d’une protéine ?

La qualité se juge sur des critères assez classiques. On peut mesurer la capacité d’une protéine à soutenir la croissance, dans un modèle animal. Le profil en acides aminés de la protéine est un critère primordial et exprimé sous la forme d’un score chimique (IC). L’assimilation, ou digestibilité des protéines, ainsi que la rétention des acides aminés dans l’organisme, sont également des critères de qualité. La digestibilité est souvent utilisée comme facteur de correction du score chimique, lui-même calculé au regard d’une protéine idéale, correspondant à une protéine fictive qui prend en compte les besoins en acides aminés chez l’Homme. Ces besoins sont actuellement déterminés grâce à des méthodes recourant aux traceurs. Il ne s’agit pas de mesures extrêmement précises, mais c’est la méthodologie approuvée actuellement. Au sens de ces critères, les protéines animales sont meilleures que les protéines végétales.

Des études récentes soulignent que les protéines végétales sont associées à de meilleurs profils nutritionnels, ainsi qu’à une meilleure santé. Est-ce que cela remet en cause tous ces critères selon lesquels les protéines animales sont meilleures ?

Sur le plan des acides aminés, les protéines végétales présentent un profil qui pourrait être meilleur que celui des protéines animales. Par rapport à la santé cardiovasculaire, l’hypothèse d’un bénéfice des protéines végétales est suggérée par plusieurs travaux de recherche. À l’inverse, il y a de nombreuses études montrant une association entre des niveaux élevés en acides aminés branchés (BCAA : leucine, isoleucine et valine) et des dysfonctions métaboliques, notamment sur la résistance à l’insuline (Mariotti, 2019). Le sujet des BCAA n’est pas nouveau, mais les moyens ont évolué depuis : les modèles utilisés en épidémiologie sont plus précis, et l’apport des données omiques est précieux. Il n’y a cependant pas de consensus sur le lien de causalité. Si ce lien était démontré, cela pourrait déboucher sur de nouvelles recommandations.

Quels sont les risques d’un excès de consommation de protéines et d’un excès en certains acides aminés ?

Certains acides aminés, par exemple les acides aminés soufrés (méthionine, cystéine), peuvent être toxiques lorsqu’ils sont apportés en excès. Le thème des BCAA montre également que certains acides aminés spécifiques pourraient être délétères lorsqu’ils sont trop consommés. Cependant, le réel problème d’excès de protéines se pose plus en cas de consommation massive de compléments alimentaires protéinés, notamment chez les sportifs ; pas tellement dans le cadre de l’alimentation courante, où le dépassement, comme celui mis en évidence par l’étude INCA 3, ne présente pas de danger caractérisé.

Des produits, comme les concentrés de protéines ou les isolats, sont disponibles sur le marché. Y a-t-il un effet matrice de ces produits ?

Les isolats sont souvent plus digestibles que les mêmes protéines dans leur matrice d’origine, surtout pour les produits végétaux. Par exemple, les protéines d’isolats de légumineuses sont plus digestibles que les protéines de légumes secs. Vaut-il mieux manger des isolats de légumineuses, ou bien des légumes secs ? Tout dépend à quelle population on s’adresse. Pour les sportifs, les isolats, du fait de leur meilleure digestibilité, seront certainement plus avantageux. Si l’on parle de la population générale, consommer des aliments bruts présente aussi des avantages, dans le contexte de l’ultra-transformation des aliments.

Les glucides et les lipides, en excès, ont souvent été associés à des impacts délétères. Le grand public en a une image négative. À l’inverse, les excès de protéines sont peu répertoriés, et ont une image bénéfique dans l’opinion générale. Comment expliquer cette différence entre glucides et lipides d’une part, et protéines d’autre part ?

Les protéines n’ont pas le même « statut » que les glucides et les lipides. L’Homme est capable de stocker les glucides et les lipides en cas d’excès ; il n’est en revanche pas capable de stocker les protéines en cas d’excès. L’Homme possède également une grande capacité à éliminer les déchets azotés, de sorte qu’il peut répondre à un excès de protéines facilement. Ce n’est pas le cas pour les glucides et les lipides : en cas d’excès, il n’y a pas beaucoup plus d’oxydation pour éliminer le surplus. Dans la littérature scientifique, on constate finalement qu’il est bien plus difficile de mettre en évidence les effets délétères d’un surplus protéique que d’un surplus glucidique ou lipidique. Ceci explique pourquoi on peut avoir des apports atteignant 2,2 g protéines/kg/jour sans risque avéré.

Propos recueillis par Etienne GUILLOCHEAU, Foodinnov Nutrition

Références bibliographiques  : AFSSA, 2000. Enquête individuelle nationale des consommations alimentaires (INCA). AFSSA, 2007. Apports en protéines : consommation, qualité, besoins et recommandations. ANSES, 2009. Etude individuelle nationale des consommations alimentaires 2 (INCA 2) (2006-2007). Rapport, Septembre 2009. ANSES, 2017. Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3) . Rapport d’expertise collective, Edition scientifique, Juin 2017. FAO, 2011. Dietary protein quality evaluation in human nutrition. Report of an FAO Expert Consultation, Avril 2011. MARIOTTI F., 2019. Animal and plant protein sources and cardiometabolic health. Advances in Nutrition, 10 (Supplement_4), S351-S366.   Pour aller plus loin : review récente sur le thème des protéines : MITTENDORFER B., KLEIN S., FONTANA L., 2019. A word of caution against excessive protein intake. Nature Reviews Endocrinology, 1-8.

Rapport FFAS : quel équilibre entre protéines animales et végétales ?

Le Fond Français pour l’Alimentation et la Santé (FFAS) a dressé, en octobre 2019, un état des lieux concernant les protéines dans l’alimentation des Français, et plus précisément sur la part des protéines animales et végétales. En lien avec une diversité de considérations (environnementales, nutritionnelles, religieuses, éthiques, symboliques, ou encore liées au bien-être animal), on observe aujourd’hui un intérêt croissant pour les protéines végétales avec le développement du flexitarisme, du végétarisme ou du véganisme. Sur le plan des acides aminés, le FFAS rappelle que les protéines d’origine végétale ont une teneur en acides aminés indispensables moins compatible avec les besoins de l’Homme, par comparaison avec les protéines animales. C’est seulement en associant certaines familles de végétaux (céréales et légumineuses en particulier) au sein d’un même repas que les protéines végétales peuvent satisfaire les apports en acides aminés indispensables. Au-delà des acides aminés, le FFAS souligne la nécessité de prendre en compte les autres nutriments présents dans les aliments, et de raisonner à l’échelle de la matrice alimentaire. Les viandes, poissons, œufs et produits laitiers apportent un certain nombre de nutriments (fer, oméga-3, vitamine B12, calcium) qui sont présents en faible quantité, voire absents dans les produits végétaux. À l’inverse, les produits végétaux apportent d’autres nutriments (fibres, vitamine C, polyphénols) qui sont absents ou présents en faibles quantités dans les produits animaux. Il existe donc une complémentarité entre protéines animales et protéines végétales, au sens où les aliments vecteurs sont sources de nutriments d’intérêt. Ce constat justifie la recommandation d’un équilibre entre protéines animales et protéines végétales. En ce qui concerne l’alimentation des Français, le FFAS s’est appuyé sur les données de l’étude Inca 3 publiée en 2017 par l’Anses. La quasi-totalité des adultes consomme assez de protéines. Actuellement, le rapport en quantité est de 2 protéines animales pour 1 végétale : ce rapport est jugé trop élevé, les recommandations préconisent un rapport de 1/1. Les protéines animales sont apportées en majorité par les viandes, poissons, œufs et charcuterie (41 %) ; les protéines végétales sont principalement consommées sous forme de produits céréaliers, de légumineuses et de pommes de terre. Par rapport aux consommations actuelles en France, une modération de l’apport des protéines animales est donc souhaitable, ainsi qu’une augmentation des protéines végétales. Dans un objectif d’équilibre strict, le FFAS rappelle qu’une consommation excessive de l’une ou l’autre source de protéines alimentaires est délétère pour la santé. Les sources de protéines des adultes en France                         Teneur en protéines (g) de quelques portions d’aliments courants FFAS, 2019. Les protéines dans l’alimentation : vers un équilibre animal-végétal, Etat des lieux établi par le Fonds français pour l’alimentation et la santé, Octobre 2019.

Vient de paraître

Diabétologie de l’enfant

Marc Nicolino, Régis Coutant, Éditions Elsevier Masson, Février 2019, 344 pp., 49 €.

Fruit de la collaboration d’une quarantaine de spécialistes, Diabétologie de l’enfant fait le point sur les objectifs et enjeux du traitement du diabète, prenant en compte les caractéristiques des populations pédiatriques (relations médecin-patient, médecin-famille). Cet ouvrage exhaustif et didactique à destination des médecins (pédiatres, généralistes) met l’accent sur les données épidémiologiques, les diagnostics et différents types de diabète chez l’enfant et l’adolescent, les situations d’urgence (hypoglycémies, acidocétose diabétique, mortalité…) et la prise en charge thérapeutique (insulinothérapie, diététique, éducation thérapeutique…)

 

Je mange donc je suis ; Petit dictionnaire curieux de l’alimentation

Editions du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, Octobre 2019, ISBN 978-2-85653-892-0 ; 25 €.

L’exposition « Je mange donc je suis » ouverte du 16 octobre 2019 au 1er juin 2020, restitue au plus grand nombre les recherches menées par les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle dans des domaines aussi variés que la formation du goût, les manières de table, la gastrodiplomatie, les modèles agricoles, les patrimoines culinaires, la consommation de viande, les OGM, l’alimentation de nos ancêtres… Le catalogue prolonge et approfondit la pluralité des thématiques abordées dans le parcours de l’exposition, sous la forme d’un dictionnaire riche de près de 130 entrées, rédigées par des chercheurs et scientifiques spécialistes du Muséum ou d’ailleurs. Cet abécédaire pluridisciplinaire — agronomie, anthropologie, archéologie, archéozoologie, biologie, botanique, génétique, ethnologie, histoire, paléontologie, physique, etc. — est illustré d’une iconographie remarquable et méconnue, qui donne la part belle aux collections du Muséum et du musée de l’Homme, complétées par celles d’autres prestigieuses institutions (musée du quai Branly, MUCEM, Fondation Dapper, etc.) ainsi que de collections privées.

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8, rue Jules Maillard de la Gournerie

35000 Rennes

France

Tél : +33 (0)2 99 31 53 05

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