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Fin octobre, la CJUE a statué sur un litige opposant la société Orthomol pharmazeutische Vertriebs GmbH (ci-après « Orthomol ») à Verband Sozialer Wettbewerb eV (ci-après « VSW »), au sujet de la commercialisation par Orthomol de produits en tant que denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS).

 

Orthomol est une entreprise pharmaceutique qui commercialise les produits suivants en tant que DADFMS :

  • « Orthomol Immun » : sert au « renforcement médico-nutritionnel du système immunitaire » pour « répondre aux besoins nutritionnels spécifiques en cas de déficit immunitaire d’origine nutritionnelle (par exemple, les infections récidivantes des voies respiratoires ») »
  • « Orthomol AMD extra » : sert à « répondre à des besoins nutritionnels en cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge ».

 

VSW a introduit un recours contre Orthomol afin de faire interdire la commercialisation des produits en cause en tant que DADFMS, indiquant que ces produits ne remplissent pas les conditions nécessaires à une telle classification telles que définies à l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013.

 

Rappelons la définition réglementaire d’une DADFMS : « denrée alimentaire spécialement traitée ou formulée et destinée à répondre aux besoins nutritionnels de patients, y compris les nourrissons, et qui ne peut être utilisée que sous contrôle médical, et destinée à constituer l’alimentation exclusive ou partielle des patients dont les capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des denrées alimentaires ordinaires ou de certains de leurs ingrédients ou métabolites sont diminuées, limitées ou perturbées, ou dont l’état de santé détermine d’autres exigences nutritionnelles particulières qui ne peuvent être satisfaites par une modification du seul régime alimentaire normal »

 

Le tribunal allemand a ainsi remonté la question suivante à la CJUE : l’article 2, paragraphe 2, sous g), du règlement no 609/2013 et, en particulier, la notion d’« autres exigences nutritionnelles particulières », doivent-ils être interprétés en ce sens qu’il faut, aux fins de qualifier un produit de DADFMS, que la maladie entraîne des exigences nutritionnelles accrues que la denrée alimentaire est censée couvrir, ou suffit-il que le patient tire un bénéfice général de l’absorption de cette denrée alimentaire parce que les substances qu’elle contient combattent le trouble ou en atténuent les symptômes.

 

La CJUE a tranché en concluant que la réglementation doit être interprétée en ce sens que : un produit constitue une DADFMS si la maladie entraîne des exigences nutritionnelles accrues ou spécifiques, que la denrée alimentaire est censée couvrir de telle sorte qu’il ne suffit pas, aux fins d’une telle qualification, que le patient tire un bénéfice général de l’absorption de cette denrée alimentaire parce que les substances qu’elle contient combattent le trouble ou en atténuent les symptômes.

Ainsi, un produit qui, bien que procurant un bénéfice général au patient ou, comme revendiqué par Orthomol s’agissant des produits en cause, luttant d’une autre manière, grâce à l’apport nutritionnel, contre une maladie, un trouble ou un état de santé, mais qui est dépourvu d’une telle fonction nutritionnelle, ne peut pas être qualifié de denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales.

Les DADFMS ne permettent pas en tant que telles de lutter contre une maladie, un trouble ou un état de santé, mais c’est bien leur fonction nutritionnelle spécifique qui permet de les caractériser de telle sorte qu’un produit qui n’est pas destiné à remplir une telle fonction ne peut pas être qualifié comme tel.

Cette prise de position de la CJUE vient affiner le cadre de ce qui peut rentrer ou non dans la définition d’une DADFMS. Cela aura certainement un impact sur des produits actuellement positionnés en tant que DADFMS incomplets nutritionnellement et qui devront trouver un nouveau positionnement réglementaire.

 

Source : ARRÊT DE LA COUR du 27 octobre 2022 dans l’affaire C‑418/21