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Par Pauline Garnier pour Make it Real et par Nazila Senehipour pour LRBEVA Nutrition

Le paradoxe en alimentaire est chose commune et il n’est pas rare qu’un décalage flagrant puisse être observé entre les discours et les pratiques. Un bel exemple pour illustrer cette situation est celui du saumon.

Un rapide tour d’horizon permet de situer le saumon dans la catégorie des produits «suspects» envers lequel les discours peuvent être assez alarmants. Le saumon rassemble en effet toutes les peurs alimentaires, que ce soit en terme d’OGM, de listériose, de fumaison cancérigène, d’élevage intensif, de pollution des mers ou de pêche non responsable… Vous n’aurez pas échappé aux reportages et interviews précédents les fêtes de fin d’année ou chacun y va de son commentaire «le saumon était meilleur avant…», «pour garder la ligne préférez le saumon au foie gras…», «le saumon vulgarisé a perdu tout son goût…», jusqu’à «boycottez le saumon qui n’est pas bio…» etc 

 Et pourtant autour de tant d’inquiétudes et de recommandations de toutes sortes, en parts de marché, le saumon frais est le premier poisson consommé par les Français, devant le cabillaud et le lieu noir. Il représente 21 % en volume et 22 % en valeur des achats de poisson frais par les ménages. La part du saumon dans les achats des ménages, consommé en frais, fumé ou surgelé, est très importante : 46 % des ménages acheteurs en frais, 72 % en saumon fumé, 25 % en surgelé. La consommation est en hausse constante, essentiellement grâce à l’essor des achats de saumon frais découpé et de saumon fumé.¹

A grand coup de chartes, et de labels, les producteurs et distributeurs tentent de canaliser la production et d’offrir plus d’information au consommateur. Ce qui dans le cas du saumon fumé permettra de donner plus de lisibilité au segment, mais qui ne s’applique pas encore vraiment à tous les dérivés culinaires où la peur est moins perceptible. En effet le saumon est le produit de la mer le plus proche en terme d’usage des produits de charcuterie et les transpositions d’un domaine à l’autre sont fréquentes. De la migration du saumon de l’entrée au coeur de repas jusqu’à son utilisation en tant qu’ingrédient, on le retrouve partout. 

1-CHIRASHI SAUMON_PICARD Un «basic» de la cuisine Japonaise aujourd’hui disponible à côté des sushis et soupes miso chez Picard. Le saumon semblant être le poisson le plus commandé par les Français dans les restaurants japonais, pour preuve la plupart de ceux-ci proposent un menu «tout saumon».
2- 4 SUSHI ET 6 MAKI_FINDUS Le japon facile, en provenance directe du rayon surgelé de votre supermarché et décongelé… au micro-onde. Vulgarisation d’un exotisme, comme a pu l’être la moussaka en son époque. 

 

3-GRAVLAKS & 4-ÉMINCÉ DE SAUMON MARINÉ_PICARD Le saumon crumariné, une recette classique des pays Nordiques qui fait son apparition dans nos rayons sous l’appellation descriptive d’ «émincés de saumon mariné», un autreformat de découpe et un nouveau mode de cuisson qui offre une alternative au saumon fumé vu et re-vu.
5-TARTARE DE SAUMON_SUSHI SHOP Mix de saumon cru, aneth, avocat et mayonnaise, cette variante n’a plus rien de japonais mais trouve pleinement sa place dans l’écosystème des «nouveaux engouement poisson cru». 

6-TARTARES DE SAUMON_PICARD Une version plus marinade ; d’émincés de saumon cru agrémentés d’huile d’olive, ciboulette, basilic, oignons et parfumé au citron.
7-SAUMON FAÇON TOURNEDOS ET SA PERSILLADE_PICARD Proposer le poisson en «mode viande» en supprimant les inconvénients de préparation, découpe et en associant une aromatisation forte en goût. Un cœur de repas prêt à manger.
8-SAUMON FUMÉ À POÊLER_ KRISTEN Dans chaque pack, 150g de saumon fumé cuisiné à la Basquaise ou Tandoori, des recettes habituellement attribuées au poulet. Un changement de codes qui permet au saumon fumé  de migrer de l’entrée vers plat principal.
9-DÉS DE SAUMON CUIT_KRISTEN Suite logique des «dés de jambon»… Les codes de la charcuterie sont empruntés par le rayon traiteur de la mer pour s’inclure dans des usage culinaires domestiques et quotidiens.  

10-DU SAUMON DANS LA CUISINE_KRISTEN Une offre résolument positionnée cuisine pour la réalisation de plats quotidiens simples (salades, sandwich, etc…), on s’éloigne radicalement du saumon fumé synonyme du luxe ou du festif.
11-FLEURON DE SAUMON_FLEURY MICHON  Après le succès du Fleuron de Canard, la marque poursuit sont association à Joël Robuchon pour la déclinaison saumon. Un positionnement apéritif où l’innovation est tellement intégrée dans les codes canard qu’elle ne surprend guère au risque de passer inaperçue…
12-TERRINE FINE AUX DEUX SAUMONS_AMAND TRAITEUR Ce spécialiste du rayon traiteur LS lance une gamme assez large de terrines de la mer en GMS. Du nouveau dans le périscope… 

Les Français aiment le poisson. Ils en consomment 25 g/jour d’après la grande enquête de consommation INCA2 et leur consommation est restée stable depuis 1998.
Les agences de sécurité sanitaires, qu’elles soient françaises (ANSES) ou européennes (EFSA) recommandent toutes de consommer du poisson deux fois par semaine en associant un poisson à forte teneur en oméga 3 (saumon, sardine, maquereau, hareng, truite, anguille) et un poisson maigre (thon, colin, cabillaud, lotte, …), ce qui représenterait plus de 50 g/jour.

Pourquoi ? Simplement parce que les poissons constituent une excellente source de protéines et apportent des minéraux, des oligo-éléments et des vitamines. Les poissons gras comme le saumon sont une source essentielle de nos apports en vitamine D, vitamine qui nous fait cruellement défaut sous nos latitudes peu ensoleillées.
L’impact de la consommation de poisson gras sur la diminution du risque de maladies cardiovasculaires fait maintenant l’unanimité auprès du monde scientifique. Des études ont aussi montré que les personnes qui consommaient plus de poisson souffraient moins de dépression et avaient moins de risque d’être atteints de la maladie d’Alzheimer. Acteurs incontestés de ces effets bénéfiques, les acides gras oméga 3 à longue chaîne : l’EPA et le DHA, qui sont également indispensables au bon développement cérébral dès la vie fœtale.
Mais les apports en oméga 3 des Français représentent seulement 1/3 des apports recommandés qui s’élèvent à environ 2g/jour, dont 0,5g d’EPA + DHA. Poisson préféré des français, le saumon est un contributeur très important de ces apports, qui peuvent être complétés par des sources végétales comme l’huile de colza ou de noix, les graines de lin, les épinards, la mâche ou les germes de blé.

Et les contaminants dans tout ça ? Les grands poissons sauvages comme le saumon sont les prédateurs de plus petits poissons et concentrent ainsi les contaminants comme les PCB ou le mercure. Une étude très récente a montré qu’une consommation normale de poisson gras avait un effet protecteur du risque d’infarctus sans aucun effet néfaste du mercure. Par mesure de précaution, il est préconisé aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 3 ans d’éviter les poissons provenant de zones de pêche contaminées par le PCB. Une étude nationale est en cours depuis 2009 pour les identifier. Chez le poisson d’élevage, leur alimentation à base d’huile et la farine de poisson est aussi source de contaminants comme les dioxines.

Tous les saumons se valent-ils ?Les teneurs en oméga 3 des poissons varient en fonction de leur origine géographique, de leur alimentation, de leur état de maturation, de leur poids, et même de leur stade de migration. Autant dire que c’est difficile à mesurer. Mais en général, les saumons d’élevage, comme tous les poissons d’élevage, sont plus gras que leurs homologues sauvages (17% de lipides versus 10%). Les saumons d’élevage nourris majoritairement avec des huiles de poisson sont très riches en DHA (2 versus 1g/100g de chair), en EPA (1 versus 0,6 g de chair) et donc en oméga 3 totaux (4,2 g/100g versus 2,2g). L’EPA et le DHA s’altérant au contact de l’oxygène de l’air, le saumon fumé n’en est pas une source très intéressante, contrairement au saumon en conserve et au saumon surgelé s’il est consommé dans les 3 mois suivant sa congélation.
Le saumon, qu’il soit sauvage ou d’élevage, a sa place dans un régime alimentaire bien équilibré, sans problème pour notre sécurité.

Références :
– Mozaffarian D, Rimm EB. Fish intake, contaminants, and human health: evaluating the risks and the benefits. JAMA 2006 October 18;296(15):1885-99.
– Calder PC. n-3 Fatty acids and cardiovascular disease: evidence explained and mechanisms explored. Clin Sci (Lond) 2004 July;107(1):1-11.
– Ness AR, Gallacher JE, et al. Advice to eat fish and mood: a randomised controlled trial in men with angina. Nutr Neurosci 2003 February;6(1):63-5.
– Morris MC, Evans DA, et al. Consumption of fish and n-3 fatty acids and risk of incident Alzheimer disease. Arch Neurol 2003 July;60(7):940-6
– Jean-Marie Bourre, Oyvind Oaland et Trygve Berg Lea. Omega-3 fatty acid content of wild Atlantic salmon (from Ireland, Norway and Scotland) as reference for farmed salmon. Méd. Nut., 2006, 42, 1 : 36-49
– Maria Wennberg, Ingvar A Bergdahl, Göran Hallmans,Margareta Norberg, Thomas Lundh, Staffan Skerfving, Ulf Strömberg, Bengt Vessby, and Jan-Håkan Jansson. Fish consumption and myocardial infarction: a second prospective biomarker study from northern Sweden. Am J Clin Nutr January 2011 vol. 93 no. 1 27-36.
– AFSSA, avis du 14 juin 2010.
Crédit photo & liens utiles:¹Agrimer, agrimer-saumon fumé, étude santé saumon, « au saumon… mon préféré »