Cet article est PREMIUM, et nécessite un abonnement payant pour lire la suite

Je m’identifie
Créer mon compte

Créez votre compte dès maintenant puis contactez-nous pour accéder aux articles Premium et/ou Lettre Export.

Inscription

Temps estimé - 6 min

La notion d’ultra-transformation des aliments, en lien avec la santé humaine, s’impose de plus en plus, au fur et à mesure des résultats d’études épidémiologiques. Ces dernières montrent en effet des associations entre consommation d’aliments ultra-transformés et diverses pathologies (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète de type 2). Bien qu’il s’agisse de relations statistiques, qui ne montrent pas de causalité, plusieurs recommandations intègrent déjà une consommation moindre d’aliments ultra-transformés. C’est notamment le cas du Programme National Nutrition-Santé 4 (PNNS 4), qui recommande de réduire la part de ces aliments.

Une question demeure cependant : par quel mécanisme ces aliments agissent-ils ? Comment permettent-ils d’expliquer des cas accrus d’obésité ? Rares sont les études qui tentent d’apporter des réponses à ces questions complexes. Les ingrédients permettant de caractériser les aliments ultra-transformés, autrement appelés « marqueurs d’ultra-transformation », sont régulièrement pointés du doigt, à l’instar des additifs alimentaires. La richesse en sucre, en lipides et en sel est également évoquée pour ces aliments devenus le symbole d’une nouvelle « malbouffe ». De manière alternative, la seule étude clinique (publiée en 2018) ayant testé l’impact des aliments ultra-transformés avance une autre hypothèse, presque jamais évoquée : celle de la densité énergétique de ces aliments. C’est une piste d’autant plus crédible que cette notion est très bien documentée dans le domaine du comportement alimentaire : plus un aliment est énergétiquement dense, plus il conduira à une consommation accrue. Ce qui pourrait notamment expliquer les corrélations avec les cas d’obésité.

L’hypothèse d’une densité énergétique plus élevée a été avancée, mais une vision d’ensemble de la densité énergétique des aliments en fonction de leur classification NOVA manque. C’est ce à quoi s’attelle cette étude menée par des chercheurs néerlandais : la densité énergétique des aliments aux Pays-Bas a été répertoriée, mais aussi la vitesse de consommation de ces aliments à partir d’études cliniques. Ainsi, les chercheurs ont pu calculer, pour chaque aliment, la « vitesse de consommation d’énergie » (en kcal/min), avec la notion sous-jacente de satiété et donc de prise alimentaire. Plus un aliment sera associé à une vitesse de consommation d’énergie élevée, moins il influera sur la satiété. On s’attend donc à voir les aliments classés NOVA 4 associés à une vitesse de consommation d’énergie élevée.

Ce travail d’analyse est intéressant : le groupe NOVA 4 comporte beaucoup d’aliments pour lesquels la vitesse de consommation d’énergie est très élevée, en comparaison des autres groupes. Il faut également souligner que le groupe NOVA 1 (aliments non transformés) comporte lui aussi quelques aliments (significativement moins que le groupe NOVA 4) avec une vitesse de consommation d’énergie rapide. Au strict minimum, cette analyse montre que le potentiel délétère des aliments classés NOVA 4 peut être confondu par la consommation rapide d’énergie, ce qui nécessite des études cliniques extrêmement adaptées.

L’idéal consisterait donc à faire une étude clinique comparant des aliments NOVA 1 et NOVA 4, avec une vitesse de consommation d’énergie identique : ceci afin d’écarter le rôle probable de la densité énergétique. Néanmoins, au vu de la répartition des aliments et de la vitesse de consommation d’énergie significativement plus rapide en NOVA 4 qu’en NOVA 1, il est fort à parier que la densité énergétique, presque jamais évoquée, explique une grande partie des associations épidémiologiques entre aliments ultra-transformés et santé humaine altérée. En d’autres termes, cela signifierait que des aliments classés NOVA 4, mais avec une densité énergétique plus faible (en ajoutant des fibres, par exemple), pourraient ne pas être délétères pour la santé humaine.

 

Ultra-Processing or Oral Processing? A Role for Energy Density and Eating Rate in Moderating Energy Intake from Processed Foods.

Article publié le 10 février 2020 dans Current Developments in Nutrition.

Lien (open access) : https://doi.org/10.1093/cdn/nzaa019