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Le 27 octobre 2023 est la journée européenne de la dépression.

En 2017, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a déclaré que plus de 300 millions de personnes souffrent de trouble dépressif majeur et que la dépression est l’un des principaux problèmes mentaux. Le trouble dépressif est responsable d’environ 800 000 suicides par an. Le traitement standard comprend des médicaments (anxiolytiques, antidépresseurs etc.) ainsi que des thérapies. 

Il semblerait que l’alimentation aurait un rôle à jouer dans les maladies mentales à travers l’axe, bien connu, cerveau-intestin.

Rôle de l’alimentation et de la nutrition dans la dépression

D’après une méta-analyse de Gorbachev et al. [1], il semblerait qu’il existe une corrélation entre les habitudes alimentaires et les symptômes de dépression et d’anxiété. En effet, une alimentation saine (associée à une consommation élevée de fruits, légumes et noix et à une plus faible consommation d’aliments pro-inflammatoires comme les viandes transformées et les gras trans) a montré une association négative avec la dépression. Au contraire, un régime alimentaire comprenant principalement des aliments ultra-transformés et pro-inflammatoires était associé à des risques plus élevés de symptômes dépressifs et anxieux car le profil nutritionnel de ces aliments sont associés à une inflammation et une altération du microbiote intestinal.

Ceci est un cercle vicieux, car d’après une revue de Ekinci et al. [2], les conséquences d’un trouble dépressif pourraient affecter le poids corporel et l’augmentation des risques de maladies chroniques par le changement de l’appétit et donc les habitudes alimentaires (où l’alimentation serait émotionnelle [3] par la consommation majoritaire de restauration rapide, aliments de mauvaise qualité et à haute teneur énergétique, la consommation réduite de légumes et fruits, par exemple).

 

Quels facteurs nutritionnels semblent importants pour réduire les risques de dépression

D’après la revue de Ekinci et al. [2], un apport sous-optimal de ces nutriments semble associé à un risque accru de dépression :

  • Les acides gras oméga-3 (présents dans la noix, l’huile de colza, le saumon ou encore la sardine) ont un rôle important dans le fonctionnement du cerveau et sont connus pour un effet anti-inflammatoire. Sa carence serait donc associée au risque de dépression. Il semblerait que la consommation quotidienne de 1 g d’acides gras oméga-3 avec une teneur en EPA (acide eïcosapentaénoïque ; type d’acide gras oméga 3) de 60 % ou plus pourrait avoir des effets positifs sur la dépression;
  • La vitamine D (présents dans les poissons gras, produits laitiers enrichis en vitamine D etc.) et la vitamine B6 (céréales, légumes amylacés, viandes etc.) participent à la production de sérotonine. Un faible taux de sérotonine pourrait conduire à un état dépressif. L’apport de ces oligo-éléments semble donc inversement lié au risque de développer une dépression ;
  • De faibles niveaux de vitamine B12 (contenue uniquement dans les produits d’origine animale, comme les abats, les produits laitiers, les œufs etc.) sont associés à la gravité de la dépression ;
  • La vitamine B9 (présente dans les légumineuses, légumes à feuilles vertes, par exemple) contribue à la guérison de la dépression en augmentant l’efficacité des antidépresseurs ;
  • Le sélénium (poissons et fruits de mer, viandes, œufs, noix du Brésil), le magnésium (oléagineux, chocolat, céréales complètes) et le zinc (viandes, fromages, légumineuses) jouent un rôle dans le système nerveux et ont un effet protecteur contre la formation de dépression ;
  • Le cuivre (abats, crustacés, mollusques, oléagineux) pourrait diminuer le risque de dépression en jouant un rôle dans la conversion de la dopamine en noradrénaline (une baisse de noradrénaline est associée à des symptômes de dépression) ;
  • Une supplémentation en prébiotiques et probiotiques (présents principalement dans les produits fermentés comme le yaourt, le fromage, les légumes lactofermentés, par exemple) peuvent être efficaces pour prévenir l’apparition de la dépression. Les résultats de l’étude de Muacevic et al. [4], indiquent, à la suite d’une supplémentation en pré et probiotiques, un rôle dans la diminution de l’inflammation diminuant ainsi le trouble dépressif. De plus, il été démontré que les patients souffrant d’un trouble dépressif majeur présentaient une modification des bactéries du microbiote intestinal. Ainsi, la composition du microbiote intestinal a un rôle sur les symptômes de dépression et d’anxiété.

Compte tenu des effets de l’alimentation et des nutriments sur la dépression, l’état nutritionnel des personnes, la qualité de leur alimentation et un apport alimentaire adéquat en vitamines et minéraux sont étroitement liés à leur santé mentale.

 

Par quels moyens prévenir ces risques à travers l’alimentation

Au-delà des traitements standards (suivi thérapeutique, traitements médicamenteux etc.) l’alimentation semble être un levier. Sur ce point, il convient donc de sensibiliser sur ce rôle. Tout le monde a un rôle à jouer et les moyens peuvent être larges. Cela peut se faire à travers une sensibilisation par des acteurs publics (assurance maladie, politiques publiques etc.) et privés (entreprises, associations etc.) directement envers la population/consommateur (formations, interventions etc.) ou par le biais de différents moyens de communication (publicités, réseaux sociaux, affiches etc.).  

D’ailleurs, c’est ce qu’a mis en place l’organisme « Aux gouts du jour » avec le projet « Bien dans son assiette, Bien dans sa tête » [5]. C’est un programme de sensibilisation auprès des adultes dont l’objectif est d’améliorer la santé mentale grâce à une alimentation adaptée pour faire évoluer les comportements alimentaires et agir efficacement sur le bien-être psychologique. En pratique, 3 ateliers ont été mis en place :

  • Pour les soignants des établissements hospitaliers afin de comprendre l’impact de l’alimentation sur les troubles mentaux, l’effets des psychotropes sur l’intestin et le cerveau et identifier les aliments à limiter ou à favoriser, à travers des outils ludiques ;
  • En entreprise pour prévenir des burn-out en faisant évoluer les comportements alimentaires des salariés à travers des escapes game, des formations et jeux pédagogiques ;
  • Pour les jeunes de 18 à 25 ans afin de sensibiliser aux liens entre comportements alimentaires et trouble de santé mentale en permettant aux jeunes de s’exprimer librement, sans peur ni cadre stigmatisant.

Aussi, pour une meilleure prise en charge du patient, il a été démontré, d’après l’étude de Gorbachev et al. [1], que la nutrition quotidienne guidée, lors de consultations individuelles avec un diététicien ainsi qu’un suivi avec un psychothérapeute, semblent améliorer les symptômes de dépression, d’anxiété et résultats des traitement par pharmacothérapie.

Afin de mieux prendre en charge les troubles de santé mentale à travers l’alimentation, il semble important de comprendre davantage ces mécanismes et continuer à identifier les associations entre les facteurs alimentaires et ces troubles par des recherches plus approfondies et études cliniques.

 

Sources

[1] Dietary Patterns as Modifiable Risk Factors for Depression: a Narrative Review.

Article publié 20 octobre 2023 dans le journal Psychiatria Danubina

Lien (libre accès) : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37800271/

 

[2] The relationship between nutrition and depression in the life process: A mini-review

Article publié 23 décembre 2022 dans le journal Experimental Gerontology

Lien (libre accès) : https://doi.org/10.1016/j.exger.2022.112072

 

[3] Emotional eating and obesity in adults: the role of depression, sleep and genes

Article publié 26 mars 2020 dans le journal Proceedings of the nutrition society

Lien (libre accès) : https://doi.org/10.1017/S0029665120000166

 

[4] The Benefits of Prebiotics and Probiotics on Mental Health

Article publié 9 août 2023 dans le journal Cureus

Lien (libre accès) : https://doi.org/10.7759%2Fcureus.43217

 

[5] Programme de sensibilisation « Bien dans son assiette, bien dans sa tête » – Aux Gouts du Jour

Lien : https://www.association-alimentation.fr/actualite/une-bonne-alimentation-pour-prevenir-les-risques-de-depression-et-de-stress-chronique/

 

ANSES – Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux

Lien : https://www.anses.fr/fr/content/les-r%C3%A9f%C3%A9rences-nutritionnelles-en-vitamines-et-min%C3%A9raux