Cet article est PREMIUM, et nécessite un abonnement payant pour lire la suite

Je m’identifie
Créer mon compte

Créez votre compte dès maintenant puis contactez-nous pour accéder aux articles Premium et/ou Lettre Export.

Inscription

Temps estimé - 9 min

Les chercheurs de l’INSERM à l’origine du Nutri-Score l’avaient annoncé l’été dernier dans un article : plusieurs dimensions d’un aliment sont à prendre en compte pour évaluer sa qualité, et expliquer l’état de santé des populations. Le Nutri-Score reflète la qualité nutritionnelle d’un produit alimentaire. D’autres dimensions émergent, parmi lesquelles le degré de transformation d’un aliment : ce dernier est, lui aussi, corrélé à l’état de santé des populations. L’été dernier, les fondateurs du Nutri-Score avaient préconisé un « Nutri-Score 2.0 », qui intègre le degré de transformation d’un produit. Ceci se matérialise par un bandeau noir entourant le Nutri-Score, dans le cas d’un aliment ultra-transformé au sens de la classification NOVA (donc appartenant au groupe NOVA 4).

 

Dans cette étude, les chercheurs de l’INSERM ont voulu tester la pertinence de ce Nutri-Score 2.0. Pour ce faire, un échantillon de plus de 21 000 personnes participant déjà à l’étude NutriNet-Santé a été défini pour juger de la pertinence de ce nouveau Nutri-Score. De manière aléatoire, les participants ont été répartis soit dans le groupe expérimental (présentation du Nutri-Score 2.0 sur la face avant des produits alimentaires), ou bien dans le groupe contrôle (présentation des mêmes produits alimentaires, mais sans Nutri-Score). À noter que dans les deux groupes, les participants ont reçu la définition d’un aliment ultra-transformé, et avaient la possibilité de consulter la liste des ingrédients du produit. Trois catégories de produits ont été considérées : cookies (8 produits présentés), céréales du petit-déjeuner (7 produits présentés), et plats préparés (7 produits présentés). Les critères primaires de l’étude étant la compréhension de la qualité nutritionnelle ainsi que du degré de transformation, les participants ont été invités dans les deux groupes à 1) pour chaque catégorie de produits, indiquer les 3 meilleurs produits sur le plan nutritionnel (score de 0 à 9 bonnes réponses au total), et 2) pour tous les produits présentés, identifier ceux qui sont ultra-transformés (score de 0 à 22 bonnes réponses au total). Le taux de bonnes réponses a donc été comparé entre les groupes.

Les résultats montrent que les volontaires du groupe expérimental sont significativement plus nombreux à avoir compris la qualité nutritionnelle du produit : 24,2% ont obtenu le score le plus élevé, contre à peine 1% dans le groupe contrôle. Le résultat est encore plus clair pour le degré de transformation : 77,7% des participants dans le groupe expérimental ont obtenu les scores les plus élevés, contre 4,4% dans le groupe contrôle. Ces résultats montrent la pertinence du Nutri-Score 2.0, selon les auteurs de l’étude.

D’autres questions ont été posées aux volontaires, et les résultats sont aussi intéressants. Comme attendu, les participants du groupe expérimental souhaitent idéalement acheter un produit avec les meilleurs scores sur le plan de la qualité nutritionnelle et du degré de transformation. Mais, dans le cas de différences entre le Nutri-Score et le degré de transformation, les participants ont tendance à privilégier le degré de transformation à la qualité nutritionnelle : préférant ainsi acheter un produit peu transformé mais avec une mauvaise qualité nutritionnelle, plutôt qu’un produit ultra-transformé avec une bonne qualité nutritionnelle. Le fait que le bandeau, noir de surcroît, entoure le Nutri-Score, a pu introduire un biais, faisant penser aux volontaires que cette dimension était plus importante que la qualité nutritionnelle. Il n’empêche : compte tenu de la notoriété du Nutri-Score, et d’une méconnaissance globale du degré de transformation par les consommateurs, ce résultat est plutôt inattendu, et ne va pas dans le sens du Nutri-Score. Cette perception des consommateurs rejoint également les conclusions de deux études scientifiques qui, au-delà de la complémentarité des deux scores, suggéraient une meilleure pertinence relative de NOVA par rapport au Nutri-Score.

 

Il s’agit de la toute première étude de ce type, qui teste la pertinence d’un système combinant à la fois degré de transformation et qualité nutritionnelle. Bien sûr, les intentions d’achat sont à considérer avec prudence : l’étude s’est faite de manière virtuelle, sur des participants qui sont relativement au fait des questions de nutrition car participant à la cohorte NutriNet-Santé. Il est néanmoins intéressant de constater que, malgré la définition donnée d’un aliment ultra-transformé, et malgré la possibilité de consulter la liste des ingrédients, les participants du groupe contrôle n’ont pas été en mesure d’identifier correctement ces aliments ultra-transformés : preuve supplémentaire que la définition de NOVA n’est pas claire, et qu’il n’est pas non plus évident d’identifier les marqueurs d’ultra-transformation à partir de la liste d’ingrédients. Ce résultat est cohérent avec les critiques de NOVA sur ce point précis.

 

Enfin, compte tenu du nombre élevé de participants, et puisque les auteurs soulignent leur volonté avec le groupe contrôle de mimer une situation réelle (ce qui est le cas), il aurait été intéressant d’ajouter un groupe qui n’aurait eu à sa disposition que le Nutri-Score (situation que pourrait décider la Commission Européenne si elle choisissait le Nutri-Score). Et, pour avoir un design complet, un groupe qui n’aurait à sa disposition que le bandeau noir, pour visualiser l’effet « bandeau ». Le Nutri-Score aurait-il eu un effet sur la reconnaissance des aliments ultra-transformés par les consommateurs ? Cette question est cruciale : puisque le degré de transformation est considéré par les défenseurs du Nutri-Score comme une dimension importante, au même titre que la qualité nutritionnelle d’un produit, il faut s’assurer que la Commission Européenne puisse adopter demain un système permettant d’identifier ces deux dimensions à la fois, considérant aussi que la Commission ne révisera pas tous les jours ce règlement.

 

Effect of a new graphically modified Nutri-Score on the objective understanding of foods’ nutrient profile and ultraprocessing: a randomised controlled trial.

Article publié le 8 juin 2023 dans le BMJ Nutrition, Prevention & Health.

Lien (open access) : https://doi.org/10.1136/bmjnph-2022-000599

Crédits d’image : https://nutriscore.blog/