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Le récent avis favorable de l’Efsa, qui sera suivi de l’autorisation par la Commission Européenne du Ténébrion meunier (Tenebrio molitor) dans l’alimentation humaine, donne un coup de boost pour les insectes. L’avis de l’Efsa entérine en effet la pertinence des insectes sur le plan nutritionnel : autrement dit, que les insectes ne présentent pas de désavantage nutritionnel, comparativement à d’autres sources de protéines.
La pertinence d’une source protéique peut se mesurer de différentes manières, et toutes ne se valent évidemment pas. Le grand public est familier avec la notion de « protéine complète », c’est-à-dire une protéine qui contient non seulement des acides aminés indispensables, mais en quantités suffisantes par rapport aux besoins définis en 2013 par la Food and Agriculture Organisation (FAO). La digestibilité est également prise en compte, avec deux indicateurs différents que sont le PD-CAAS et le DIAAS. Quelques études sont disponibles chez les insectes, avec des valeurs de PD-CAAS et de DIAAS supérieures à certaines protéines végétales.
Au-delà de la capacité à répondre à un besoin en acides aminés, une protéine peut aussi être capable de stimuler la synthèse de masse maigre. Cette question est d’importance, aussi bien chez les sportifs que chez les personnes dénutries atteintes de sarcopénie. Pour ce faire, des études cliniques coûteuses sont requises, car l’essentiel est de mesurer l’apparition des acides aminés dans le plasma. Or, aucune de ces études n’existent pour les insectes à ce jour.
Dans cette étude, c’est la pertinence de la protéine issue du Petit Ténébrion (Alphitobius diaperinus) qui a été testée de manière clinique, en comparaison avec la protéine de lait (considérée comme la meilleure protéine sur le plan nutritionnel). Pour cela, 24 volontaires ont participé à l’étude en double aveugle. Dans un ordre randomisé, les participants ont consommé soit 30 g de protéines de ténébrion, soit 30 g de protéines de lait. Les acides aminés de ces protéines étant marqués au 13C, cela permet notamment de suivre avec précision la biodisponibilité dans le plasma des acides aminés issus de ces aliments en particulier (sans risque de confusion avec d’autres acides aminés qui ne seraient pas issus des aliments expérimentaux). L’autre impact évalué dans l’étude correspond à la stimulation de la synthèse de masse musculaire : pour ce faire, des biopsies ont été effectuées sur les volontaires. Puisque l’exercice physique peut stimuler la synthèse de masse maigre, les chercheurs néerlandais ont également comparé la situation des volontaires au repos, avec celle après un court exercice (vélo d’appartement pendant quelques instants).
Sur les acides aminés totaux, au bout de 300 min, la quantité totale libérée dans le plasma (et donc biodisponible) est équivalente entre la protéine de lait et celle d’insecte. Cependant, la vitesse d’apparition des acides aminés totaux est plus rapide dans le cas du lait que dans la protéine d’insecte. Ce phénomène est également retrouvé lorsqu’on se focalise sur le total des acides aminés non essentiels, ainsi que sur le total des acides aminés essentiels, et surtout sur la leucine. Aucune différence d’impact sur l’insulinémie n’a été observée entre les deux sources de protéines. Malgré ces différences, en ce qui concerne la synthèse de masse musculaire (mesurée via l’enrichissement en phénylalanine marquée), aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre la protéine de lait et la protéine d’insecte ; c’est-à-dire que les deux semblent induire au même niveau la synthèse de masse maigre dans l’organisme, aussi bien après un exercice physique qu’au repos.
Règlementairement, des indicateurs comme le PD-CAAS et le DIAAS sont exigés pour mesurer la qualité d’une protéine. Cette étude ne les fournit pas, mais donne cependant des informations très intéressantes comme l’incorporation dans le plasma des acides aminés issus de la protéine de Petit Ténébrion. Si les quantités totales sont identiques au bout de 300 min, les acides aminés de la protéine de lait sont plus rapidement incorporés dans le plasma que les acides aminés de la protéine d’insecte. Ceci est capital, car les sociétés savantes différencient bien les quantités totales de la vitesse d’apparition, lorsqu’il s’agit de booster la synthèse de masse maigre (sport et sarcopénie). Pour autant, les biopsies montrent que la synthèse de masse maigre est stimulée de manière équivalente entre les deux sources de protéines : ceci peut être expliqué par une insulinémie identique entre les deux groupes, et qui impacte aussi les voies de signalisation cellulaire pour induire la synthèse de masse maigre (en plus de la vitesse d’apparition des acides aminés).
Par ailleurs, on sait que les insectes présentent des facteurs anti-nutritionnels, parmi lesquels la chitine, qui peuvent réduire la digestibilité des protéines et donc la biodisponibilité des acides aminés. L’article ne donne cependant aucune information concernant les teneurs en chitine, ni même d’autres facteurs anti-nutritionnels qui peuvent expliquer la moindre vitesse de digestion de la protéine de Petit Ténébrion, comparativement à la protéine de lait.
Insects are a viable protein source for human consumption: from insect protein digestion to postprandial muscle protein synthesis in vivo in humans: a double-blind randomized trial.
Article publié le 21 mai 2021 dans The American Journal of Clinical Nutrition.
Lien (open access) : https://doi.org/10.1093/ajcn/nqab115
Lire également l’éditorial associé à cet article.
Insects on the menu: characterization of protein quality to evaluate potential as an alternative protein source for human consumptio.
Editorial publié le 24 mai 2021 dans The American Journal of Clinical Nutrition.
Lien (accès restreint) : https://doi.org/10.1093/ajcn/nqab170