Cet article est PREMIUM, et nécessite un abonnement payant pour lire la suite

Je m’identifie
Créer mon compte

Créez votre compte dès maintenant puis contactez-nous pour accéder aux articles Premium et/ou Lettre Export.

Inscription

Temps estimé - 0 min

Les Hautes Pressions : une technologie prometteuse, en plein en essor

L’utilisation des traitements thermiques est actuellement l’un des principaux moyens de conservation des produits alimentaires. Les efforts d’amélioration de ces traitements vont dans le sens d’une baisse des modifications des propriétés organoleptiques des produits. L’utilisation de conservateurs – que le consommateur rejette de plus en plus – pour les produits frais est aussi très développée. En parallèle, de nouvelles technologies de traitement voient le jour. Elles sont axées sur la rapidité de montée en température et sur l’absence ou la baisse du gradient thermique entre l’élément chauffant et le produit. Plusieurs de ces technologies sont déjà en phase de test ou de déploiement industriel. Parmi elles, on retrouve les traitements thermiques améliorés (transferts par rayonnement tels que les microondes, par conduction améliorée…) et des méthodes athermiques (hautes pressions, champs électriques pulsés…).

Concernant les hautes pressions, leur utilisation représente une bonne alternative aux traitements thermiques classiques pour détruire les micro-organismes. La technologie est particulièrement adaptée pour les jus de fruits et légumes, les charcuteries, les produits de la mer, les plats cuisinés, les salades traiteurs, les avocats (USA, Mexique), etc. Plusieurs projets intégrant cette technologie ont vu le jour depuis que les industriels sont exonérés de la validation d’un dossier d’autorisation européen (Novel Food). L’espagnol Espun~a – pour le plus connu – s’était affranchi de l’obligation de Novel Food et avait lancé dès 2008 des charcuteries pressurisées dans l’Europe et aux USA. Les produits traités sont reconnus « Listeria Free ».

En France, « Cinq Degrés Ouest » a été un pionnier dès 2011 avec une application de cette technologie pour le décorticage des crustacés. Un autre grand industriel de l’Ouest s’est lancé en 2012, mais ne communique pas sur ce procédé. Dès 2014, de nombreux projets R&D ont été lancés dans l’Ouest et particulièrement en Région Pays de la Loire qui en a fait une priorité pour l’innovation. Cependant, la France reste très en retard avec seulement une dizaine d’installations de hautes pressions, pour 400 dans le monde. Parmi celles-ci, la plateforme HPP ATLANTIQUE, créée en 2015 et basée à Nantes, est un modèle d’avenir avec le partage du matériel entre industriels.

En 2016, de nombreux produits traités par hautes pressions ont été mis sur le marché : des produits de la mer par « Delpierre » (Groupe LABEYRIE) – porteur du projet de recherche collaboratif ABYSS – ; des jus de fruits et d’herbes aromatiques par « Darégal » & « Ulti » (Prix SIAL 2016), un jus de tomates par la start-up « P&P Fruits », etc. Cette année, FLORETTE en partenariat avec Ulti, vient également de lancer des jus frais utilisant la pression à froid.

Du côté de la littérature scientifique, plusieurs études ont évalué l’efficacité des hautes pressions sur la réduction des agents pathogènes et sur la conservation de la qualité organoleptique des aliments, mais les connaissances restent encore limitées et les projets de recherche devront se multiplier. Quid de l’impact de cette nouvelle technologie sur la qualité nutritionnelle ?

Vincent LAFAYE,
Président FOODINNOV GROUP

 

Interview

Impact des hautes pressions sur la qualité nutritionnelle des aliments

En quoi consiste le traitement par hautes pressions ?

Le traitement par hautes pressions (High Pressure Processing), également appelé pascalisation, est un procédé qui consiste à soumettre des produits alimentaires à des pressions très élevées (environ 6000 fois la pression atmosphérique) afin d’améliorer leur conservation.

En pratique, pour être pascalisés, les produits sont disposés dans une enceinte pleine d’eau qui, après fermeture, est comprimée à l’aide d’une pompe. Les aliments y sont maintenus pendant 3 à 5 minutes en général, une fois que la pression voulue est atteinte. Ce procédé peut être opéré à différentes températures.

Schématisation d’un procédé de hautes pressions
(Source : genie-alimentaire.com)

Les premières études concernant cette technique datent du XIXe siècle mais les premiers produits alimentaires pascalisés ont fait leur apparition dans les années 1990, au Japon. Il s’agissait de produits plutôt acides, comme de la confiture ou des boissons. Depuis, les aliments traités de cette façon se sont diversifiés (jus, charcuteries, poissons… sont désormais concernés) et d’autres pays se sont lancés dans cette nouvelle technologie.

Quels sont les avantages et les limites de ce procédé ?

Les avantages présentés par cette technique sont multiples. Elle permet d’améliorer l’innocuité des aliments et leur durée de vie tout en maintenant leur fraicheur naturelle et leur qualité (faible modification de la couleur et du goût des aliments…).

Cependant, cette technologie présente quelques limites : un coût élevé d’acquisition des installations ; l’impossibilité de traiter des produits secs ou à faible activité de l’eau et ceux de faible densité ; l’impossibilité de stériliser les produits – les spores étant résistantes aux hautes pressions – d’où la nécessité de coupler ce procédé à une température élevée quand la stérilisation est indispensable ; les modifications de texture et de couleur des aliments à protéines crues (viandes, poissons) ; etc.

Cette technologie a-t-elle un impact sur la qualité nutritionnelle des aliments ?

De façon générale, le traitement « Hautes Pressions » (HP), à des températures modérées, peut préserver la qualité nutritionnelle des aliments. Toutefois, il a des effets variables selon la matrice alimentaire et les conditions d’application. Par exemple, à des températures élevées, le traitement HP induit des réactions biochimiques qui réduisent la teneur en certains nutriments. Il peut également affecter la stabilité des composés bioactifs durant le traitement. En conséquence, la bioactivité des nutriments (capacité antioxydante par exemple) et les propriétés sensorielles des produits alimentaires se trouvent affectées (Balasubramaniam et al., 2016).Plusieurs études ont évalué l’impact des HP sur les teneurs en composés nutritionnels, et ce, dans plusieurs types d’aliments (fruits et légumes, lait, viandes, poissons…) mais aussi dans des systèmes modèles.

Effets sur la composition du lait

L’impact des HP sur le niveau des vitamines hydrosolubles (B1 et B6 ) a été testé dans le lait cru. Le traitement à 400 MPa, pendant 30 min à 25°C, n’a entraîné aucune perte significative de ces vitamines (Sierra et al., 2000).

L’effet des HP a été également testé sur le profil des acides gras du lait maternel et sur les niveaux de tocophérols (α, γ et δ) et de vitamine C (Molto-Puigmartí et al., 2011). Le profil et le niveau de ces derniers n’ont pas varié en comparaison avec le lait non traité. Le niveau de vitamine C a été également maintenu avec le traitement HP alors qu’il a diminué d’environ 20 % avec la pasteurisation classique.

Lorsque le lait maternel a été traité dans des conditions plus sévères (65°C ou 80°C à 300, 600 et 900 MPa, pendant 1 minute), le niveau de tocophérols a diminué. Le traitement le plus extrême (900 MPa à 80 °C) a entraîné des changements intenses dans le profil des acides gras (Delgado et al., 2013).

Par ailleurs, le traitement à 600 MPa, à 10°C, mais pendant 6 min, a considérablement diminué le niveau de vitamine E et de certains acides gras clés tels que les acides a-linolénique et docosahexaénoïque (Delgado et al., 2014).

Effets sur la composition des poisson

Les recherches concernant les différentes conditions de traitement à hautes pressions n’ont montré aucun effet sur la composition des acides gras de muscles de poissons.

Ohshima et al. (1992) n’ont relevé aucune différence dans les teneurs en acides gras saturés, mono-insaturés et poly-insaturés dans le muscle de morue (Gadus morhua) et de maquereau (Scomber scombrus) après un traitement HP (200, 400 et 600 MPa pendant 15 min) et après 6 jours de stockage à -2°C. De même, Yagiz et al. (2009) ont évalué l’effet des HP (150 MPa et 300 MPa pendant 15 min) sur la qualité du saumon atlantique (Salmo Salar) après 6 jours de stockage à 4°C. En conséquence, aucune différence significative n’a été relevée en termes d’acides gras saturés, mono-insaturés et polyinsaturés oméga-3 et oméga-6.

Par ailleurs, Aubourg et al. (2010) ont soumis le saumon coho (Oncorhynchus kisutch) à différentes conditions de HP (135, 170 et 200 MPa pendant 30 s) et ont mesuré l’indice de polyènes (composés poly-insaturés) et les teneurs en α et γ-tocophérol dans le muscle après plusieurs jours de stockage au froid (20 jours au maximum). Aucune différence dans l’indice de polyène ou dans les niveaux de tocophérols n’a été constatée.

Enfin, Vázquez et al. (2013) n’ont pas relevé de différence dans la teneur en polyènes dans des maquereaux (Scomber scombrus) traités par HP (150, 300 et 450 MPa pendant 0, 2,5 et 5 minutes) et congelés à -10°C jusqu’à 3 mois.

Effets sur la composition des fruits et légumes

Le traitement HP à température ambiante a un effet limité sur la teneur en vitamines des fruits et légumes (Oey et al., 2008b).

De nombreux chercheurs ont étudié l’effet des HP sur l’acide ascorbique, montrant que, à température ambiante, cette vitamine est relativement stable dans les produits à base de fruits et légumes. À haute température, l’acide ascorbique est dégradé. Une perte considérable est donc enregistrée lors d’un traitement de stérilisation à haute pression (Balasubramaniam et al., 2016).

D’autres vitamines hydrosolubles (B1, B2, B6, niacine et folates) sont relativement stables dans des conditions de pasteurisation à haute pression. En général, ces vitamines sont beaucoup mieux préservées en comparaison d’un processus de pasteurisation classique (Balasubramaniam et al., 2016).

Les données concernant l’impact des HP sur les vitamines liposolubles (A, D, E, K) sont moins abondantes en comparaison avec celles portant sur les vitamines hydrosolubles. Les données existantes indiquent que les HP conservent mieux les teneurs en vitamines liposolubles par rapport à un traitement classique (Oey et al., 2008b). En plus de la teneur, la biodisponibilité peut également être influencée, ce qui se traduit, par exemple, par des légumes à forte bioaccessibilité d’acide folique (Oey et al., 2008b).

La combinaison des hautes pressions à une température élevée, pour la stérilisation, entraîne une dégradation beaucoup plus élevée des vitamines en comparaison avec la pasteurisation hautes pressions. Les vitamines liposolubles, en comparaison avec les vitamines hydrosolubles, sont cependant moins sensibles aux traitements thermiques couplés aux hautes pression (Oey et al., 2008b). Par ailleurs, la stérilisation HP entraîne souvent une meilleure préservation des vitamines liposolubles en comparaison à une stérilisation classique en raison d’un temps de traitement beaucoup plus court (Van der Plancken et al., 2012).

Dans le cadre d’une revue publiée en 2016, Koutchma et al.ont répertorié 50 études scientifiques évaluant l’effet du traitement par HP sur 24 types de jus de fruits et de légumes frais. Les jus d’orange, de carotte et de tomate ont été les plus étudiés. Les résultats ont montré que le traitement HP conservait la teneur en vitamines et l’activité antioxydante des jus de fruits et légumes dans les conditions requises pour obtenir une réduction de 5 log de microorganismes pathogènes.

La vitamine C est le micronutriment qui a été le plus étudié mais il existe quelques données concernant les vitamines A et E et les caroténoïdes. Le traitement HP permettait une rétention élevée et constante pour la vitamine C (niveau résiduel moyen de 92,1 ± 9,6%). Des résultats similaires ont été observés pour le niveau résiduel des anthocyanines (86,2 ± 25,9%) et le contenu phénolique total (92 ± 12,7 %). Quant aux antioxydants, ils étaient fortement conservés et souvent susceptibles d’être améliorés (activité résiduelle moyenne de 101,1 ± 23 %). Plusieurs exemples d’amélioration du contenu résiduel ou de l’activité après le traitement ont été rapportés pour tous les antioxydants et vitamines examinés (Koutchma et al., 2016).

Effets sur la composition de la viande

Les données sur la qualité nutritionnelle des viandes sont peu abondantes.

Butz et al. (2007) ont analysé le niveau de thiamine (vitamine B1) et de riboflavine (vitamine B2) dans des systèmes modélisés et dans des filets de porc frais hachés ou des lyophilisats réhydratés soumis à aux HP (600MPa, températures variant de 25 à 100°C). Les résultats ont montré que les vitamines sont stables dans les filets de porc, mais une diminution de leur teneur a été constatée dans les systèmes modèles. Des recherches supplémentaires sont requises dans ce domaine.

Etude de l’effet HP sur des systèmes modèles

Plusieurs études ont évalué l’effet des HP sur la teneur des composés bioactifs dans des systèmes modèles : vitamines (groupes B, C, A, E et K), caroténoïdes, flavonoïdes (anthocyanines, flavonone, isoflavones), acides gras mono- et poly-insaturés et composés soufrés.

Pour plus d’informations, le livre « High Pressure Processing of Food » (édition 2016) consacre un chapitre entier de synthèse des résultats de ces études.

Synthèse réalisée par Amine EL-ORCHE,
Consultant FOODINNOV NUTRITION

Publications :

 

Allergies alimentaires. Nouveaux concepts, affections actuelles, perspectives thérapeutiques

Allergies alimentaires. Nouveaux concepts, affections actuelles, perspectives thérapeutiques

Jocelyne Just, Antoine Deschildre, Etienne Beaudouin. Éditions Elsevier Masson, mai 2017, 324 pages, 49 €.

Ce livre se concentre sur les nouveaux concepts, les affections actuelles, les perspectives thérapeutiques en lien avec les allergies alimentaires. Divers experts reconnus dans le domaine ont collaboré pour faire le point à partir des connaissances et des avancées les plus récentes. L’ouvrage permet donc de comprendre l’épidémiologie et les mécanismes complexes génétiques, immunologiques, moléculaires des allergies alimentaires. Il aborde la diversité et l’actualité des affections, les progrès de la biologie puis le traitement et des perspectives nouvelles. Il intègre les dimensions de prévention mais aussi d’éducation et d’intégration, dans le cadre d’une prise en charge globale et personnalisée, adaptée au profil et aux besoins du patient, et finalement la problématique de la sécurité alimentaire.

Une petite histoire de l'alimentation française

Véronique Bellemain, Karine Boquet, Théo Galichet, Katell Gouello, Ambroise Martin, Daniel Nairaud, Jean-Pierre Poulain. Editions Quae, juin 2016, ebook gratuit.

À l’occasion de son 30e anniversaire, le Conseil national de l’alimentation a interviewé les acteurs qui ont fait son histoire. Certains ont pris la plume pour engager une relecture réflexive de leur expérience. D’autres, depuis leurs disciplines, ont rédigé un bilan théorique. Organisées autour d’une frise interactive, ces réflexions croisées repèrent ce qui fait patrimoine ainsi que la contribution du CNA aux politiques et actions publiques de l’alimentation.

Salons & Évènements

NutriForm' Business Days, 1st International Congress on Dietary Supplements

13-14 septembre 2017, Saint-Raphaël

Les très hautes pressions en industries IAA et Biotechnologies

Journée organisée par PFT Prodiabio et CBB Capbiotek, 14 septembre 2017, Pontivy

ICHNFS 2016 : 19th International Conference on Human Nutrition and Food Sciences

18-19 septembre 2017, Rome (Italie)

Université d'été de nutrition - CRNH Auvergne

20 et 21 septembre 2017, Clermont-Ferrand

VALORIAL

8, rue Jules Maillard de la Gournerie

35000 Rennes

France

Tél : +33 (0)2 99 31 53 05

Email : valorial@pole-valorial.fr

www.pole-valorial.fr

live nutrition : partenaires