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« Le yin et le yang », forces qui s’opposent sur la composition nutritionnelle

L’évolution de l’offre alimentaire en France ces dernières années a été poussée par des forces parfois antagonistes. Le plaisir, le naturel, le « sans ». ne vont pas toujours dans le sens d’une meilleure nutrition. Ainsi, devant l’impossibilité de communiquer sur les probiotiques, les desserts laitiers se sont plus tournés vers la gourmandise ; les produits bio sont souvent plus salés ; les poissons gras sont relativement délaissés en raison des contaminants, l’offre « sans gluten » n’est pas exemplaire du point de vue nutritionnel.

A défaut de mesures coercitives, les pouvoirs publics au niveau français ont tout de même ouvré dans le sens d’une meilleure prise en compte de la nutrition par les professionnels, à travers la mise en place des chartes d’engagements volontaires de progrès nutritionnel en 2007 (PNNS), des accords collectifs en 2014 (PNA), puis prochainement de l’étiquetage nutritionnel simplifié, qui devrait – même si le système choisi ne sera pas parfait. – plutôt tirer l’offre alimentaire vers le haut.

Le bilan dressé par l’Oqali en 2016 met en évidence que les informations nutritionnelles sur les emballages augmentent : davantage d’étiquetage nutritionnel, de repères nutritionnels, de portions indiquées. Il montre aussi des évolutions de la composition des produits transformés, en premier lieu sur les lipides et fibres (26 % des familles de produits), le sodium (25 %), les sucres (24 %), les acides gras saturés (22 %) et enfin les protéines (16 %). Les modifications vont dans le sens d’une amélioration ou d’une dégradation, selon les nutriments et familles étudiés.

Les reformulations – allant le plus souvent dans le sens des recommandations – expliquent une partie des évolutions, mais aucune tendance transversale à l’ensemble des secteurs ne peut être dégagée. Les évolutions positives (ex : baisse des sucres dans les boissons rafraichissantes, des acides gras saturés dans les chips, du sodium dans certaines charcuteries) proviennent de démarches collectives à travers des chartes et/ou accords (boissons et charcuteries), ou d’autres initiatives (secteur des chips).

Mais il est important de rappeler que les améliorations nutritionnelles peuvent parfois être limitées par la réglementation (encadrement des teneurs en sucres dans les compotes et confitures, utilisation des substituts de sel.). Par ailleurs, les modifications de recettes restent soumises à l’acceptabilité des consommateurs et aux contraintes techniques et économiques.

Bien évidemment, des modifications de composition modestes qui concernent des aliments très consommés auront un impact santé important, alors que des évolutions plus conséquentes sur des aliments moins consommés auront un impact limité. Concentrons donc nos efforts sur l’essentiel !

Céline Le Stunff,
Consultante LRBEVA NUTRITION

Interview

Ciqual : désormais l'une des tables de composition les plus complètes d'Europe

Qu’est-ce que la table Ciqual ?

La table Ciqual rassemble les valeurs nutritionnelles des aliments génériques les plus consommés en France. On y trouve par exemple la composition nutritionnelle d’un yaourt aromatisé sucré « moyen », mais pas celle des yaourts aromatisés sucrés des marques X ou Y.

Les fiches nutritionnelles donnent des teneurs pour 100 g d’aliment (partie comestible : sans os, coquille, trognon.). Chaque fiche mentionne la composition nutritionnelle en 61 constituants, en fonction des données disponibles : protéines, amidon, sodium, vitamine C. Les aliments sont groupés par familles et sous-familles pour faciliter les recherches (viandes, fromages, boissons sans alcool, etc.). Pour chaque constituant indiqué dans les fiches, sont précisés une teneur moyenne, un minimum et un maximum, ainsi qu’un code confiance (A le plus fiable, D le moins fiable).

Pouvez-vous expliquer la différence entre la base de données et la table de composition Ciqual ?

La base de données est le socle de connaissances sur lequel est constituée la table. Elle ne comporte pas moins de 1,6 million de valeurs, de sources diverses. L’équipe Ciqual agrège ces valeurs et publie dans la table les couples aliment/constituant pour lesquels le profil nutritionnel est relativement complet. Même si la mise en ouvre de l’étiquetage nutritionnel obligatoire selon le règlement (UE) n°1169/2011 nous a conduits à proposer davantage d’aliments aux utilisateurs, la table n’est que la partie visible de l’iceberg !

Qui est propriétaire de cette table ?

Elle est gérée par l’unité Observatoire des aliments de l’Anses. Cette unité regroupe l’ensemble des bases de données de l’Agence concernant la composition des aliments : Ciqual pour les données nutritionnelles, Contamine pour les données concernant les contaminants, Oqali pour les données provenant des étiquetages de produits transformés disponibles sur le marché français (dont étiquetages nutritionnels, sur la base des 8 nutriments obligatoires du règlement INCO).

L’Anses n’est pas propriétaire de toutes les informations présentes dans la base de données, celles-ci provenant de diverses sources : programmes d’analyses de l’Agence, mais aussi données bibliographiques, données transmises par les interprofessions et les industriels. En revanche elle est propriétaire des données agrégées de la table de composition publiée, qui sont produites à travers des processus qu’elle a elle-même établis.

Depuis quand la table Ciqual est-elle publiée ? Quels moyens sont utilisés aujourd’hui pour la faire évoluer ? 

Le Ciqual a été créé en 1985. La table Ciqual en ligne existe depuis 2008 sur le site de l’Anses. Auparavant les données étaient publiées dans un ouvrage papier « Répertoire général des aliments (Regal) : table de composition ».

Aujourd’hui, la table Ciqual 2016 est consultable gratuitement et intégralement téléchargeable. L’ensemble des données est mis à disposition via le site Internet Ciqual et la Plateforme ouverte des données publiques françaises. La réutilisation des données est autorisée dans les conditions prévues par la Licence ouverte. Un bon nombre de logiciels, aussi bien pour les professionnels que pour le grand public, utilisent ces données pour leur fonctionnement : calcul des valeurs nutritionnelles d’un aliment, bilan nutritionnel chez les professionnels de santé, applications nutritionnelles et/ou de sport pour smartphones. Le site Internet Ciqual est très consulté : plus de 32 000 consultations mensuelles, ce qui est un vrai succès pour l’Agence.

En quoi consiste la mise à jour majeure qui a été mise en ligne en décembre 2016 ?

Nous avons énormément travaillé sur la nomenclature des aliments, qui est beaucoup plus détaillée que sur la version précédente et plus en cohérence avec l’offre alimentaire actuelle, grâce à une meilleure articulation des projets Ciqual et Oqali. Nous sommes ainsi passés de 1 440 aliments dans la version 2013, à plus de 2 600 aujourd’hui. Nous avons intégré plus de 500 000 nouvelles données. Le sel a aussi fait son entrée dans la liste des constituants (auparavant seul le sodium y figurait). La table Ciqual devient ainsi l’une des plus complètes d’Europe, tant en nombre d’aliments qu’en détail des constituants. L’évolution de l’offre alimentaire, tant sur le plan nutritionnel que sur la nature même des produits, est mieux prise en compte dans la nouvelle table.

La table 2016 ne contient plus les « aliments moyens » qui étaient présents dans la version 2013. Ceux-ci avaient été créés pour répondre aux besoins d’exploitation de l’avant-dernière enquête de consommation, lorsque les aliments étaient insuffisamment décrits : par exemple lorsqu’un enfant déclarait avoir mangé de la salade, un fruit (quelle variété, quel fruit ?…). D’autres compositions d’aliments moyens sont en cours de production par le Ciqual en lien avec la dernière enquête de consommation de l’Anses.

Comment la variabilité de la composition nutritionnelle des aliments est-elle prise en compte ?

Les valeurs de la table doivent être considérées comme des valeurs moyennes. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il existe une grande variabilité de la composition nutritionnelle des aliments, liée à de multiples facteurs : espèces animales et cultivars végétaux, origine géographique, conditions de culture et d’élevage, nature des matières premières, recettes et formulations industrielles et ménagères, procédés et modes de fabrication, stockage et préparation des aliments, etc.

Selon le nombre et la nature des sources d’information dont le Ciqual dispose pour produire les données agrégées, les valeurs publiées sont plus ou moins représentatives des aliments susceptibles d’être consommés en France. Nous essayons de couvrir au mieux les facteurs de variabilité connus, les variétés, races ou marques échantillonnées, les dates et régions de prélèvement, etc. Enfin, les valeurs minimales et maximales, lorsqu’elles existent, permettent de situer la valeur agrégée dans la gamme des valeurs trouvées au fil des différentes sources de données.

Quels sont les moyens mis en place pour l’enrichir et la mettre à jour ?

Trois compilateurs expérimentés travaillent à temps plein pour le Ciqual. Pour la production d’une nouvelle version de la Table Ciqual, ils sélectionnent les données, les agrègent et vérifient la cohérence des profils obtenus (somme des acides gras inférieure à la teneur en lipides, somme des constituants inférieure à 100.) afin de les ajuster si nécessaire. Ces procédures sont en grande partie automatisées aujourd’hui.

Par ailleurs, le Ciqual dispose d’un budget lui permettant de piloter des plans d’échantillonnage et d’analyse annuels. Ces plans d’échantillonnage sont conçus pour être les plus représentatifs possible des aliments, en s’appuyant sur plusieurs sous-échantillons et en intégrant dans la mesure du possible, les parts de marché des produits. De vastes appels à données sont lancés auprès des opérateurs de l’agroalimentaire (producteurs, distributeurs, interprofessions, syndicats professionnels et centres techniques) afin de collecter des données de composition nutritionnelle. La banque de données continue ainsi de s’étoffer afin d’intégrer le renouvellement important des produits alimentaires.

Quels sont les futurs projets de mise à jour ? Les « trous de connaissance » significatifs à date ?

Il est prévu de mettre en place un groupe de travail interne afin d’orienter le programme de travail du Ciqual pour les années à venir. Il y a par exemple la problématique des polyols et des acides organiques, qui entrent dans le calcul de la valeur énergétique, ou encore celle des acides aminés, qui permettent une meilleure quantification ainsi qu’une meilleure estimation de la qualité nutritionnelle des protéines, mais pour lesquels peu de données sont disponibles.

La question d’augmenter la fréquence de mise à jour de la table s’est également posée. Mais une nouvelle version n’est utile que si une somme significative de nouvelles données a pu intégrer la base. Vraisemblablement, le rythme d’une mise à jour tous les 3 ou 4 ans sera maintenu.

De quelle manière la table Ciqual s’articule-t-elle avec d’autres tables de composition étrangères ?

Le Ciqual fait partie du réseau d’excellence européen EuroFIR, qui fédère l’ensemble des compétences sur les tables de composition nutritionnelle. La table est intégrée à FoodExplorer (la version 2016 devrait l’être prochainement), un moteur de recherche qui permet d’interroger simultanément une vingtaine de tables européennes. Cela est rendu possible par l’indexation des aliments avec le thésaurus LanguaL, qui permet d’attribuer un ensemble de descripteurs à un aliment afin de voir s’il est réellement comparable à un autre.

Source : EuroFIR

Intègre-t-on des données étrangères dans la base (et donc dans la table) ?

Nous intégrons parfois des données étrangères, à défaut de pouvoir disposer de données plus spécifiques. La plupart du temps il s’agit de produits bruts (par exemple : du riz, des oranges, des amandes.), mais même sur des viandes non transformées par exemple il peut y avoir de très grands écarts. Nous avons constaté par exemple que le profil en acides gras des viandes aux USA était très différent de celui des viandes françaises, en raison notamment de l’alimentation animale, qui n’est pas du tout la même.

Quel est l’intérêt de fournir des données de composition nutritionnelle au Ciqual ?

Afin d’enrichir la table et de la rendre la plus représentative possible de la composition nutritionnelle actuelle des aliments disponibles sur le marché français, le Ciqual est favorable à l’intégration de données nouvelles. Celles-ci peuvent être issues d’audits nutritionnels, de contrôles internes chez les fabricants ou distributeurs, de programmes de recherche, etc. Ne pas hésiter à contacter le Ciqual qui vous donnera de plus amples informations sur l’utilisation qui sera faite des données et les modalités d’inclusion dans la table.

Un mot de conclusion ?

D’importants travaux de l’Agence seront prochainement publiés, en particulier au premier semestre 2017, les résultats de l’enquête de consommation INCA3 avec l’actualisation des apports nutritionnels. Ces travaux nécessitent de faire appel à des données fines, précises et récentes sur la composition nutritionnelle des aliments consommés par les Français. C’est précisément la mission de Ciqual : fournir à un instant T la meilleure estimation possible de la valeur nutritionnelle d’un aliment. Ces données du Ciqual, en lien avec les autres travaux de l’Anses, données de consommation INCA3 et repères nutritionnels notamment, permettent d’orienter les politiques publiques en matière de nutrition.

Propos recueillis par Céline Le Stunff,
LRBÉVA NUTRITION.

 

Pour en savoir plus

 

 

 

 

>> Pourquoi la somme des acides gras saturés, monoinsaturés et polyinsaturés ne correspond-t-elle pas aux lipides totaux ?

Dans la plupart des aliments, les lipides sont majoritairement présents sous la forme de triacylglycérols constitués d’un noyau glycérol estérifié par trois acides gras. Selon les familles d’aliments et la nature des lipides contenus, les acides gras représentent 56 à 95 % des lipides totaux, le reste correspondant à la fraction glycérol, à l’insaponifiable (stérols, vitamines liposolubles.), parfois à des groupements phosphates etc. Par ailleurs, la multiplicité des sources employées peut être à l’origine de ce cas de figure. On comprend donc pourquoi la somme des teneurs en acides gras n’égale pas la teneur en lipides totaux.

>> Quelle est la différence entre « protéines » et « protéines brutes » ?

Dans la table, les teneurs en “Protéines” sont calculées sur la base de la teneur en azote total d’un aliment et de facteurs spécifiques, dits facteurs de Jones. Ces facteurs peuvent différer d’une famille d’aliments à une autre : par exemple 6,38 pour les produits laitiers, 5,95 pour le riz. Cette approche, bien qu’imparfaite, vise à prendre en compte la variabilité du rapport azote/protéines entre les familles d’aliments.

Pour l’étiquetage nutritionnel en Europe, ce sont les teneurs en “Protéines brutes” qui sont utilisées. Elles sont calculées en multipliant la teneur en azote total par le facteur 6,25, quel que soit l’aliment (Règlement UE n°1169/2011 concernant l’information aux consommateurs sur les denrées alimentaires).

Concernant les libellés employés dans la table Ciqual pour l’énergie : “Energie, Règlement UE n°1169/2011” prend en compte la teneur en “protéines brutes” c’est-à-dire la teneur en azote total multipliée par le facteur 6,25, quel que soit l’aliment. Tandis que “Energie, N x facteur Jones, avec fibres” utilise les teneurs en “protéines”, calculées sur la base de la teneur en azote total et de facteurs spécifiques.

>> Pourquoi la somme de tous les constituants ne fait-elle pas exactement 100 ?

La somme des macroconstituants – protéines, glucides, fibres, lipides, alcool, cendres, acides organiques et eau – ne fait pas toujours précisément 100. Parmi les explications que l’on peut apporter à ce fait, les deux principales sont :

1) l’utilisation de sources de données parfois différentes

2) l’imprécision des analyses biochimiques (incertitudes de mesure)

>> Sur quelle référence peut-on se baser pour utiliser des allégations comparatives, comme « moins 25% de sel » ?

On peut utiliser à la fois les données du Ciqual et de l’Oqali. Une grande partie des données de l’Oqali a déjà été intégrée à la table Ciqual, mais un décalage existe nécessairement. Dans tous les cas, l’utilisateur doit veiller à utiliser un aliment de référence au plus proche de celui pour lequel une allégation est envisagée et bien tracer la source de données qu’il choisit.

 

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Salons & Évènements

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16 et 17 mars 2017, Salons Hoche, Paris 8ème ardt

www.cede-nutrition.org

21ème Journée d'étude du CEDE « Les régimes "sans" : avec ou sans risque pour les enfants ? »

17 mars 2017, FIAP Jean Monet, Paris 14ème ardt

www.cede-nutrition.org

Diétécom - Les journées de nutrition pratique

23-24 mars 2017, Université de Paris Descartes, Paris 6ème ardt

www.fragilite.org

Valorial Connection « Qualité des aliments: impact des procédés, perception du consommateur et outils de prédiction »

30 mars 2017, Nantes

www.pole-valorial.fr
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8, rue Jules Maillard de la Gournerie

35000 Rennes

France

Tél : +33 (0)2 99 31 53 05

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