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L’insomnie, conduite à risques des nouvelles générations ?

Si la malnutrition et la suralimentation des enfants et adolescents sont connues et reconnues comme étant en amont de nombreuses maladies chroniques (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires, cancers.), qu’en est-il du manque de sommeil ?

À l’âge de 15 ans, 25 % des adolescents dorment moins de 7 h en semaine, alors que les experts recommandent entre 8 et 10 h de sommeil par nuit. Par ailleurs, le phénomène touche jusqu’aux plus jeunes puisque deux tiers des enfants de 3 à 6 ans sont considérés comme ayant un déficit chronique de sommeil.

L’exposition quotidienne et de longue durée aux écrans d’ordinateur, de télévision, de smartphones est de plus en plus mise en cause. Ces écrans envahissent petit à petit les chambres. Une étude du Réseau Morphée, menée fin 2015, indique une forte activité des collégiens sur les écrans en soirée et la nuit : 1 sur 2 y passe plus d’une heure après dîner, 1 sur 5 plus de 2 heures. Envoyer des SMS et se connecter aux réseaux sociaux la nuit est courant, avec l’émergence de nouvelles pratiques comme la programmation de réveils en cours de nuit dans le but de se connecter. Par ailleurs, la lumière bleue des LED émise par les écrans, est qualifiée de « chronotoxique » par certains chercheurs car elle aurait la propriété de dérégler l’horloge biologique.

Il est difficile de ne pas faire de parallèle avec l’explosion concomitante du surpoids et des maladies cardio-métaboliques chez les plus jeunes. Une méta-analyse de 11 études longitudinales chez l’enfant/l’adolescent (Fatima Y, et al. 2015) conclut d’ailleurs que ceux dont le sommeil est écourté ont deux fois plus de risque d’être par la suite obèses ou en surpoids. En 2011, une revue systématique de la littérature (Nielsen LS, et al. 2011) relevait une association constante entre le manque de sommeil et le développement de l’obésité chez l’enfant et le jeune adulte, l’association étant moins nette chez l’adulte plus âgé.

La qualité et la quantité de sommeil devront donc rapidement être considérées comme des problématiques de santé publique majeures. Il est à espérer qu’elles trouvent une bonne place dans la prochaine vague du Programme National Nutrition et Santé, prévue dans le courant de l’année 2016.

Clarisse LEMAITRE,
Ingénieur-conseil en nutrition et réglementation, LRBEVA NUTRITION

Interview

Influence de l'horloge biologique et de son dérèglement sur l'alimentation et la santé

Qu’entend-on par « horloge biologique » ?

L’horloge biologique définit notre rythme circadien, à savoir l’alternance jour/nuit, ce qui cor-respond globalement chez l’humain à une alternance veille/sommeil. Chaque cycle, calé sur la rotation de la Terre, fait environ 24h. Classiquement, la journée s’organise ainsi :

  • La journée, en lumière, correspond aux périodes actives : travail, activité sportives.
  • La nuit, dans l’obscurité, correspond aux périodes de repos, de sommeil, qui permettent une récupération physique et psychologique.

Au niveau interne, on distingue 2 catégories d’horloges :

  • L’horloge dite « centrale », située dans l’hypothalamus, qui perçoit la lumière et synchronise le rythme sur l’alternance jour/nuit
  • Les horloges dites « périphériques », situées dans les cellules, qui intègrent les signaux de l’horloge centrale et les signaux environnementaux : prise des repas, activité physique.

Les variations circadiennes (alternance jour/nuit) rythment particulièrement les cycles de veille et sommeil, mais pas seulement : la prise de repas, l’activité physique, la température corporelle ou encore la fréquence cardiaque et la pression artérielle sont elles aussi réglées sur un cycle biologique de 24 h. C’est également le cas pour certaines grandes fonctions physiologiques, moins visibles, mais tout aussi importantes, comme les sécrétions hormonales et les réactions métaboliques. Toute perturbation de ces cycles impacte donc l’ensemble des fonctions corporelles.

La baisse de la qualité/quantité de sommeil est-elle à mettre en parallèle avec l’augmentation du surpoids dans la population ?

La société moderne a fortement modifié nos rythmes biologiques. Le temps de sommeil diminue, les prises de nourriture et l’activité professionnelle ne sont plus restreintes à la période de jour, et le travail posté augmente. L’influence de ces dérèglements a d’ailleurs été démontrée par de nombreuses études.

Des travaux ont été réalisés en laboratoire chez des sujets sains chez lesquels le sommeil a été réduit significativement durant plusieurs nuits consécutives. Très rapidement, il a été observé une diminution de la sensibilité à l’insuline, une diminution des taux de leptine et une augmentation de l’appétit pour des aliments à haute densité énergétique.

Dans un autre protocole, a été appliquée une « désynchronisation forcée ». Cela consiste à placer des su-jets sains dans un environnement contrôlé et à augmenter ou à diminuer la durée de la journée à 28 ou 20 h, ce qui engendre un décalage horaire maximum (de 12 h) au bout de 3 jours. Le résultat est net également : le décalage horaire induit une forte perturbation de l’équilibre glycémique avec une hyperglycémie postprandiale et une insulinémie significativement plus élevée que chez un sujet avec un rythme « normal » de 24 h.

Quelles en sont les preuves épidémiologiques ?

L’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV), en partenariat avec la mutuelle MGEN, a mené dans le cadre de l’étude NutriNet-Santé une vaste enquête sur le thème « Sommeil et Nutrition ». Dans cette cohorte de 500 000 internautes, 49 086 sujets ont participé au volet concernant le sommeil, parmi lesquels 75 % de femmes. Les résultats ont été présentés lors de la 15ème Journée du Sommeil, en 2015, par les Pr Damien Léger et Dr Joëlle Adrien, de l’INSV et le Pr Serge Hercberg, coordinateur de l’étude NutriNet-Santé.

Dans la population étudiée, il a été mis en évidence un lien fort entre l’obésité et les différents indicateurs mesurés concernant la qualité du sommeil :

  • Les femmes obèses ont un risque d’insomnie qui est 43 % plus élevé par rapport aux femmes non obèses, relation qui n’a pas été démontrée chez les hommes.
  • Dans les deux sexes, on observe un pourcentage d’obèses plus important dans le groupe des « courts dormeurs » (moins de 6h par nuit) par rapport aux « longs dormeurs » (plus de 8h par nuit). Au total, le risque d’obésité est augmenté de 34 % chez les femmes et de 50 % chez les hommes courts dormeurs par rapport aux longs dormeurs.
  • Le lien entre obésité et apnée du sommeil, qui est bien connu, est de nouveau démontré avec un risque respectivement 16 fois et 11 fois plus élevé chez les femmes et les hommes obèses.

Les différences sont faibles entre sujets insomniaques et non insomniaques en ce qui concerne les comportements alimentaires, avec une tendance légère mais significative à des apports alimentaires moins favorables à la santé chez les hommes insomniaques (moins de fruits et légumes, plus de viandes rouges).

Enfin, les hommes insomniaques ont tendance à être plus grignoteurs ; de plus, le grignotage nocturne représente un apport calorique plus important chez les insomniaques que chez les non-insomniaques.

La question qui reste ouverte suite à cette étude est celle de la causalité. Il est probable que les rapports entre sommeil et obésité se font dans les deux sens. Une réduction de la quantité et/ou de la qualité du sommeil pourrait contribuer à la constitution ou au maintien d’un excès de poids (en raison des perturbations endocriniennes associées). L’obésité pourrait à son tour entraîner ou aggraver des pathologies du sommeil, comme les apnées du sommeil.

Qui sont les travailleurs en horaires décalés ?

Le code du travail considère que la semaine de travail « standard » s’effectue entre 5 h et 23 h, 5 jours par semaine du lundi au vendredi, avec une amplitude journalière de 8h. En-dehors de ces plages, il est considéré que le travail est effectué en « horaires atypiques ». Les formes d’horaires atypiques les plus connues sont le travail posté (3*8 ou 2*8), le travail de nuit et le travail de fin de semaine.

Le rapport récent de l’Anses (voir Lu pour vous) cite une étude de la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) de 2012 qui dénombrait alors 3,5 millions de travailleurs de nuit, soit 15,4 % des salariés. Ce chiffre est en progression, en particulier chez les femmes. Les familles professionnelles les plus concernées sont les conducteurs de véhicules, policiers et militaires, infirmières, aides-soignantes et ouvriers qualifiés des industries de transformation et/ou d’assemblage.

Le travail de nuit est probablement celui qui provoque les répercussions les plus importantes sur l’organisme, avec une désynchronisation des rythmes biologiques, sociaux et familiaux qui impacte à terme la santé. C’est pourquoi la santé des travailleurs de nuit est particulièrement surveillée, notamment par l’Anses (voir Lu pour vous).

Quelles sont les principales hormones métaboliques régulées par le rythme circadien et perturbées par sa dérégulation ?

Il a été démontré que le travail de nuit, et les perturbations du sommeil en général, modifient les sécrétions de leptine et de ghréline. La leptine, qui entraîne la satiété et augmente la dépense énergétique, est moins sécrétée, tandis que la ghréline, qui stimule l’appétit et réduit la dépense locomotrice, l’est plus. Le travail de nuit donne donc faim ! De plus, les métiers qui impliquent de travailler la nuit (métiers de la santé, de la sécurité…) sont souvent sources de stress, avec une sécrétion de cortisol augmentée. La catégorie socio-professionnelle la plus impactée est d’ailleurs celle des infirmières de nuit et aux urgences, qui cumulent ainsi les facteurs de risque de prise de poids.

Au cours de la nuit, la vigilance diminue aux alentours de 3/4 h du matin, avec un besoin d’énergie immédiate et de réconfort. Du fait de cet ensemble de facteurs, il y a dans ces moments une attirance particulière pour les produits sucrés et gras, à haute densité calorique, comme les barres chocolatées. Le groupe de travail de l’Anses souligne d’ailleurs dans son avis que « l’augmentation de la prise alimentaire (plutôt sucrée) serait une réponse homéostatique compensatoire à la privation de sommeil, qui s’observe lors du travail posté avec horaire de nuit ».

Quelles sont les explications scientifiques des mécanismes impliqués dans la relation entre travail de nuit et obésité ?

Plusieurs aspects sont à prendre en compte. D’une part, la prise alimentaire est souvent décalée vers la nuit, ce qui induit un stockage supplémentaire de cette énergie qui n’est pas ou peu dépensée. D’autre part, même si la quantité totale de calories ingérée diffère peu, une part importante des prises alimentaires (environ 20 % ) se fait en-dehors des repas (grignotage).

Par ailleurs, il est établi que la prise alimentaire nocturne influence les réponses physiques et métaboliques :

  • Ralentissement de la digestion
  • Thermogénèse plus faible, donc dépense énergétique moindre lors de la digestion
  • Baisse de la tolérance glucidique
  • Augmentation des triglycérides

Au niveau métabolique, avec la stimulation accrue du pancréas apparaît une résistance à l’insuline, qui mène ensuite à une hyperinsulinémie réactionnelle, et à plus long terme à un diabète.

Enfin, l’accès à l’activité physique et notamment sportive est souvent plus difficile du fait d’horaires inadaptés. De plus, les femmes qui cumulent souvent 2 journées (travail de nuit et obligations familiales en journée) trouvent peu de temps pour pratiquer une activité physique.

Quelles sont les recommandations pour limiter les effets des horaires décalés sur la prise de poids et les perturbations métaboliques ?

Cet aspect est de plus en plus pris en compte par la médecine du travail. Au niveau de l’entreprise, on recommande de mettre en place des fontaines à eau pour favoriser une hydratation optimale et de donner accès à des salles de repos équipées de petites cuisine pour manger chaud. Certaines entreprises mettent en place des sessions de sensibilisation de leurs salariés à la problématique de la nutrition (voir LIV[e] Nutrition et Santé n°80).

Les conseils à destination des salariés sont dérivés des recommandations générales, avec les mêmes principes de variété et de quantité :

  • Limiter les aliments gras et sucrés (barres chocolatées), gras et salés (fromage) et les boissons sucrées (sodas, jus de fruits)
  • Faire une bonne place aux légumineuses, qui sont rassasiantes et qui apportent des glucides complexes
  • Bien s’hydrater avec de l’eau fraîche bien sûr mais aussi des tisanes ou de la soupe
  • Faire 4 repas par jour : 3 repas principaux (petit-déjeuner, déjeuner, dîner + 1 « vraie » collation avec une boisson chaude, 4 à 5 pruneaux ou noix ou une pomme, un laitage, un morceau de pain (40 g).

Propos recueillis par Clarisse LEMAITRE,
LRBEVA NUTRITION.

Sources

  • Anses, Évaluation des risques sanitaires liés au travail de nuit, avis et rapport signés le 18/05/2016 et publiés le 22/06/2016.
  • Les 18e Entretiens de Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, le 10 juin 2016. Sommeil, rythmes, alimentation et poids. Intervenants : J Adrien, K Spiegel, D Thivel, H Duez, A Bonnefond, C Monaca, R Tamisier, M Romond, C Bacchetta et F Duforez.
  • INSV / MGEN, Sommeil et Nutrition. Enquête réalisée dans le cadre de la cohorte NutriNet-Santé, 2015.

Bibliographie

  • Romon M, Edme JL, Boulenguez C, Lescroart JL, Frimat P. Circadian variation of diet-induced thermogenesis. Am J Clin NutrApril 1993 vol. 57 no. 4 476-480.
  • Scheer FA, Hilton MF, Mantzoros CS, Shea SA. Adverse metabolic and cardiovascular consequences of circadian misalignment. PNAS2009 106 (11) 4453-4458.
  • Spiegel K. Sleep loss as a risk factor for obesity and diabetes. International Journal of Pediatric Obesity Vol. 3, Iss. sup2, 2008.
  • Taheri S, Lin L, Austin D, Young T, Mignot E. Short sleep duration is associated with reduced leptin, elevated ghrelin, and increased body mass index. PLoS Med 2004 1(3): e62.

Lu pour vous

Évaluation des risques sanitaires pour les professionnels exposés à des horaires de travail atypiques, notamment de nuit - Rapport d'expertise collective

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Saisine n° 2011-SA-0088 « horaires atypiques », mars 2016, 408 p.

L’Anses a été saisie en mars 2011 par la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) pour procéder à une évaluation des risques sanitaires pour les professionnels exposés à des horaires atypiques, notamment ceux soumis à un travail de nuit, qu’il soit régulier ou non.

Dans son rapport, le groupe de travail mandaté par l’Anses aborde notamment :

  • l’état des connaissances sur les rythmes biologiques, leur régulation par un système d’horloges circadiennes biologiques, et une présentation des impacts du dérèglement de ce système circadien induit notamment par le travail en horaires atypiques
  • une évaluation des effets sanitaires liés au travail de nuit et au travail posté incluant la nuit
  • un état des lieux des moyens de prévention rapportés par la littérature.

Les effets sur la santé potentiellement liés aux autres formes d’horaires atypiques de travail pourront être évalués dans le cadre d’un second volet de l’expertise.

Salons & Évènements

2èmes Rencontres du GIS Nutrition-Alimentation-Métabolisme-Santé

Lundi 12 septembre, Palais des congrès de Saint-Malo

www.evenbrite.fr

Workshop « Diet & Physical Activity in Research Studies »

Du 14 au 16 septembre, Katholieke Universiteit de Louvain (Belgique)

gbiomed.kuleuven.be

13ème Congrès de Nutrition

Du 26 au 28 octobre 2016, Belgrade (Serbie)

conu2016.com
VALORIAL

8, rue Jules Maillard de la Gournerie

35000 Rennes

France

Tél : +33 (0)2 99 31 53 05

Email : valorial@pole-valorial.fr

www.pole-valorial.fr

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