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Le Wegovy a été approuvé par les autorités sanitaires françaises le 8 octobre 2024 pour une prescription chez des patients souffrant d’obésité (IMC de plus de 35). L’arrivée massive en France des médicaments « anti-obésité » commence ainsi à inquiéter l’industrie agroalimentaire. Nous vous faisions part dans un précédent article (Médicament anti-obésité : traitement miracle ou effet de mode ?) des potentiels impacts de ce traitement sur le secteur agroalimentaire. Qu’en est-il quelques mois plus tard ?
La plateforme Alimentation Générale a publié une analyse intitulée La révolution Ozempic provoque panique et réinvention dans l’industrie agroalimentaire, qui s’appuie sur un article du New York Times sur cette « révolution en marche ». Aux Etats-Unis, les utilisateurs de ces médicaments pourraient représenter 24 millions de personnes d’ici 2035 !
Une modification des goûts
Par leur mécanisme d’action, les médicaments qui imitent l’hormone GLP-1 réduisent l’appétit et donc l’apport calorique, mais modifient également les préférences alimentaires. Et c’est là que tout l’enjeu du secteur agroalimentaire se situe puisque les consommateurs concernés semblent baisser leur consommation de produits ultra-transformés jugés désormais trop gras, sucrés et/ou salés. Aux Etats-Unis, le constat est sans appel, le goût « industriel » des produits à base d’arômes artificiels, édulcorants et additifs est délaissé des utilisateurs du médicament. Selon Ashley Gearhardt, chercheuse à l’Université du Michigan, « ces saveurs autrefois irrésistibles perdent de leur attrait ».
Un consommateur d’Ozempic de 52 ans, ancien accro au sucre, témoigne dans le New York Times : il évite désormais les snacks comme les Oreos et les Pop-Tarts au profit des fruits et légumes frais. « Je ne pouvais plus », a-t-il confié à propos des bonbons qu’il aimait autrefois. « C’était tellement sucré que ça m’a étouffé. »
Des pistes d’innovation dans le secteur agroalimentaire
L’industrie agroalimentaire a donc de quoi se poser des questions. Aux Etats-Unis, les ventes de snacks et d’aliments transformés baissent déjà, Walmart a signalé une diminution des paniers moyens chez ses clients sous GLP-1, tandis que l’innovation dans le secteur alimentaire et des boissons atteint un niveau historiquement bas.
Mais alors comment faire pour répondre aux besoins nutritionnels et préférences alimentaires de ces nouveaux consommateurs ? Certaines entreprises tentent de développer des produits spécifiques, avec de plus petites portions riches en nutriments. C’est le cas de Mattson qui expérimente des bouchées brownie enrichies en protéines, une soupe de poulet lyophilisée ou encore des chewing-gums coupe-faim.
L’entreprise a d’ailleurs lancé une étude sur les attentes de ces consommateurs. Il en ressort qu’ils recherchent des produits protéinés, en plus petites portions et qui les aident à rester hydratés. Ces consommateurs cherchent aussi des produits alimentaires pour minimiser les effets secondaires de la prise du traitement, comme les nausées et autres troubles gastro-intestinaux.
Certains experts alertent quand même sur les dérives. Nicole Avena, experte en addiction au sucre, met en garde contre la quête incessante de l’industrie alimentaire pour des saveurs hyper-récompensantes, qui pourraient réduire l’efficacité des médicaments GLP-1.
Alors dans ce contexte, l’industrie agroalimentaire pourra-t-elle innover assez rapidement ? Mais surtout comment devra-t-elle innover pour répondre aux besoins nutritionnels et préférences alimentaires de futurs utilisateurs français de médicaments ? Les consommateurs français ont un palais différent de celui des consommateurs américains, il est donc encore trop tôt pour prédire l’impact exact que cette vague GLP-1 aura sur la consommation alimentaire des français concernés.
Image générée par l’IA