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L’inuline fait partie des fibres les plus étudiées scientifiquement, mais aussi des fibres les plus valorisées sur le plan nutritionnel en vue d’une fortification des aliments. Généralement, les fibres alimentaires, y compris l’inuline, sont considérées comme bénéfiques pour la santé. L’inuline, faisant partie des fibres fermentiscibles, est régulièrement mise en avant pour sa capacité à générer des acides gras à chaîne courte (short chain fatty acids en anglais), dont le lien avec des bénéfices santé sont largement reconnus. Ceci résulte de l’utilisation de l’inuline par certaines souches bactériennes du microbiote.
Cette vision est-elle trop simpliste ? Dans un article publié dans la prestigieuse revue Nature, des chercheurs américains montrent que les effets physiologiques de l’inuline sont plus complexes que prévu. A l’aide d’études pré-cliniques et in vitro, les chercheurs parviennent à montrer que l’inuline alimentaire peut effectivement avoir des effets ant-inflammatoires, tout en promouvant… une inflammation de type 2.
Dans un premier temps, les chercheurs ont pu démontrer que la supplémentation en inuline modifiait la composition du microbiote intestinal, avec des changements cohérents avec ceux déjà observés lors de précédents essais cliniques. Un tel résultat était certes attendu, mais nécessaire pour montrer la robustesse de l’étude. De la même manière, une hausse des acides gras à chaîne courte a bien été constatée. Les analyses métabolomiques ont cependant mis en évidence d’autres composés que les acides gras à chaîne courte ; en particulier les acides biliaires dans le sérum des souris, qui augmentent drastiquement après une supplémentation en inuline. Ce résultat n’avait encore jamais été mis en avant auparavant.
Fort de ces changements moléculaires, les chercheurs se sont ensuite focalisés sur la composante immunitaire après la supplémentation en inuline, pariant sur le fait que l’inuline n’aurait pas que des effets anti-inflammatoires. Ainsi, localement au niveau du côlon, une quantité accrue d’éosinophiles (cellules impliquées dans le système immunitaire inné) a été retrouvée, ainsi qu’au niveau des poumons. Pour ajouter à la qualité de l’étude, les chercheurs ont été capables de reproduire ces résultats chez des souris provenant d’autres laboratoires. Enfin, les chercheurs ne se sont pas limités à la seule inuline ; cellulose et fibres de plantain (psyllium) ont également été testés. Si la cellulose n’a pas donné de modifications significatives, les fibres de plantain, fermentiscibles au même titre que l’inuline, a donné des résultats similaires à l’inuline : hausse des éosinophiles dans les mêmes tissus, corrélée à une hausse significative des acides biliaires dans le sérum des souris.
D’autres expérimentations plus mécanistiques ont été effectuées dans l’article, notamment pour comprendre les voies de signalisation cellulaires requises pour que l’inuline exerce des effets pro-inflammatoires. Les chercheurs démontrent ainsi que c’est le métabolisme des acides biliaires qui est primairement affecté, suivi d’une hausse de l’inflammation au niveau de certains tissus. À noter que les chercheurs ont pu aussi reproduire ces résultats sur des souris dépourvues de microbiote intestinal, mais chez lesquelles du microbiote humain a pu être implanté.
Les chercheurs concluent globalement sur la promotion d’une inflammation de type 2 suite à une supplémentation en inuline chez des souris. Loin d’une éventuelle polémique sur des fibres très utilisées pour supplémenter des aliments, les conclusions de l’article soulignent les effets physiologiques des fibres, sans doute plus complexes qu’initialement imaginés. La composante anti-inflammatoire via les acides gras à chaîne courte est en effet largement reconnue, et a même été bien retrouvée dans l’article ; la mise en évidence d’un effet anti-inflammatoire microbiote-dépendant est une première. Et l’article de conclure que le bénéfice clinique global pourrait être dû à un effet des acides gras à chaîne courte, qui pourrait l’emporter sur la modification du métabolisme des acides biliaires.
Inulin fibre promotes microbiota-derived bile acids and type 2 inflammation.
Article publié le 2 novembre 2022 dans Nature.
Lien (accès restreint) : https://doi.org/10.1038/s41586-022-05380-y