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Mis à part les édulcorants intenses, rares sont les études à fort niveau de preuve concernant les additifs : idéalement, ces études sont cliniques et, mieux, randomisées et contrôlées en double aveugle. Il faut dire qu’à partir du moment où la règlementation autorise un certain nombre d’additifs, c’est qu’elle estime que leur sécurité est étayée. Il y a donc l’idée implicite que la recherche sur les additifs n’intéresse pas grand-monde, si ce n’est des consommateurs soucieux d’en savoir plus sur l’impact de ces additifs.
Cette étude clinique, réalisée par une équipe franco-américaine, fait suite à plusieurs travaux de recherche déjà publiés par la même équipe à propos de plusieurs émulsifiants : le polysorbate 80 (E433), et la carboxyméthylcellulose (E466). Auparavant, cette équipe avait déjà démontré que ces deux additifs avaient la capacité de réduire la couche de mucus qui sépare le microbiote intestinal des cellules intestinales, dans un modèle souris : dit autrement, les additifs pourraient perturber le dialogue entre l’hôte et son microbiote. Reste à mieux comprendre ces effets chez l’Homme : c’est l’objectif de cette étude clinique dans laquelle 16 volontaires ont été recrutés. Un premier groupe a été supplémenté en E466 (15 g/jour), et un second groupe (groupe contrôle) n’a été supplémenté en aucun émulsifiant. Par hypothèse, et en lien avec leurs précédents travaux de recherche, l’équipe a axé les résultats sur la composition du microbiote intestinal. En complément, des biopsies ont été effectuées pour mesurer la distance entre les cellules intestinales et le microbiote : plus cette distance est courte, plus cela indique que le mucus a été détruit.
Les résultats de l’étude clinique concordent avec les résultats des précédents travaux de recherche : à savoir que le E466 modifie significativement la composition du microbiote intestinal, au sens d’une diversité bactérienne réduite. Le E466 a aussi conduit à une hausse non significative de l’inconfort intestinal. Les chercheurs soulignent également que parmi les volontaires du groupe expérimental, deux présentaient des réductions de distance entre les cellules intestinales et les bactéries, ce qui tendrait à confirmer que le E466 altère la quantité de mucus.
Cette excellente étude suggère donc des résultats similaires à ceux obtenus sur des modèles pré-cliniques. Du fait de son design expérimental, l’étude n’a pu se focaliser que sur les effets à court terme sur le microbiote intestinal du E466, et pas tellement sur les effets à long terme : de fait, les paramètres métaboliques circulants (glucose, insuline) n’ont pas significativement évolué au cours de l’étude. Reste donc à savoir si de tels impacts sur le microbiote intestinal ont une pertinence clinique, et si l’EFSA intègrera cette étude dans son évaluation des risques du E466. Sur ce dernier point, il convient de rappeler que la sécurité du E466 et d’autres émulsifiants avait déjà été ré-évaluée dans le milieu des années 2010, et que l’EFSA avait reconnu que les études pré-cliniques du même groupe de recherche suggérait des effets jusqu’à présents non mis en avant sur les émulsifiants.
Randomized Controlled-Feeding Study of Dietary Emulsifier Carboxymethylcellulose Reveals Detrimental Impacts on the Gut Microbiota and Metabolome.
Article publié le 10 novembre 2021 dans Gastroenterology.
Lien (open access) : https://doi.org/10.1053/j.gastro.2021.11.006