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Dans un document de position publié le 16 octobre 2025, FoodDrinkEurope — la principale organisation représentant le secteur agroalimentaire européen — remet en cause la pertinence scientifique et réglementaire du concept d’« aliments ultra-transformés » (AUT). L’industrie y développe six grands arguments (synthétisés ci-dessous), cherchant à démontrer que cette classification est non seulement imprécise, mais potentiellement contre-productive pour la santé publique, la durabilité et l’innovation.
- Argument 1 : « Plus transformé » ne veut pas dire « moins sain » ni « moins durable »
FoodDrinkEurope affirme que le degré de transformation ne détermine pas la qualité nutritionnelle d’un produit. L’organisation indique que certains procédés permettent même d’améliorer le profil santé d’un aliment, par exemple en réduisant les teneurs en sucre, sel ou matières grasses, ou en ajoutant des fibres et micronutriments. Elle souligne aussi que tout aliment peut faire partie d’une alimentation saine si le consommateur prend également en compte la quantité consommée, la fréquence et le mode de vie global.
- Argument 2 : les classifications d’aliments ultra-transformés sont scientifiquement fragiles.
FoodDrinkEurope dénonce le manque de consensus scientifique autour des systèmes comme NOVA, jugeant leurs fondements méthodologiques discutables. Plusieurs autorités de santé publique, notamment au Royaume-Uni, dans les pays nordiques et en France, refusent d’adopter cette catégorie « aliments ultra-transformés » pour élaborer leurs politiques nutritionnelles, estimant qu’elles ne reposent pas sur des preuves suffisantes et risquent de brouiller les messages de santé publique existants.
- Argument 3 : La terminologie AUT crée la confusion, même parmi les experts.
FoodDrinkEurope cite une étude, menée en France auprès de 170 spécialistes en nutrition, qui montre que les experts n’arrivent pas à s’accorder sur la classification de nombreux produits selon NOVA. L’organisation estime que ce manque de cohérence rend la communication envers les consommateurs presque impossible.
- Argument 4 : Cibler les AUT a des conséquences.
FoodDrinkEurope met en garde contre les effets pervers d’une politique ciblant les AUT. L’organisation indique par exemple que des aliments sains (pain complet, produits à base de protéines végétales, etc.) pourraient être considérés AUT et donc être stigmatisés ; que l’évitement de ces produits AUT pourrait réduire l’apport en fibres et micronutriments et donc être contre-productif pour la santé. L’innovation alimentaire (produits reformulés, durables, enrichis) serait par ailleurs freinée avec le ciblage des AUT.
- Argument 5 : La sécurité alimentaire reste le socle de la politique publique.
FoodDrinkEurope rappelle que chaque additif ou procédé est soumis à une évaluation stricte par l’EFSA, et que la transformation n’est pas synonyme de risque. FoodDrinkEurope revendique aussi son soutien continu à la recherche scientifique sur les impacts de la transformation alimentaire.
- Argument 6 : D’autres leviers sont plus efficaces pour la santé et la durabilité.
FoodDrinkEurope propose une approche plus globale reposant sur 6 axes : alimentation saine (prise en compte de la composition des produits, des portions, de la fréquence de consommation, et du mode de vie), innovation (reformulation, enrichissement, alternatives plus saines), éducation nutritionnelle (étiquetage clair, campagnes de sensibilisation), environnements alimentaires favorables, publicité responsable (encouragement d’engagements volontaires et d’initiatives nationales), mode de vie sain (promotion de l’activité physique en complément d’une alimentation équilibrée).
En conclusion, FoodDrinkEurope plaide pour remplacer le discours sur les « aliments ultra-transformés » par une approche basée sur la qualité nutritionnelle réelle, la sécurité et l’éducation alimentaire. Pour l’organisation, réduire le débat à la seule notion de transformation risque d’entretenir la confusion et de détourner l’attention des vrais leviers d’amélioration du régime alimentaire européen.
Sources :
Position Paper « Ultra-processed foods », FoodDrinkEurope, 16/10/2025.
Photo d’illustration : Picryl