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Si la proportion de personnes complètement végétariennes reste encore marginale en France (2,2% en 2020), le nombre de personnes se déclarant flexitariennes et limitant leur consommation de viande augmente (24%)1. Si cette transition alimentaire n’est généralement pas problématique pour les apports protéiques de la population générale, elle peut poser des questions spécifiques pour des groupes particuliers comme les personnes âgées et les sportifs.

 

Les recommandations en matière d’apports en protéines pour les personnes âgées diffèrent de celles des adultes plus jeunes afin de répondre à des besoins spécifiques liés au vieillissement. Selon l’EFSA et l’OMS, les apports journaliers recommandés pour les adultes sont de 0,83 g/kg/jour, sans distinction d’âge2. Cependant, l’ANSES préconise une augmentation de ces apports à partir de 65 ans, avec une cible de 1,0 g/kg/jour, pour préserver la masse musculaire et prévenir la sarcopénie3.

En 2013, l’European Geriatric Medicine Society et le PROT-AGE study group ont précisé ces recommandations. Ils préconisaient des apports compris entre 1,0 et 1,2 g/kg/jour pour préserver la masse maigre. Pour les personnes âgées actives ou pratiquant une activité physique régulière, un apport supérieur à 1,2 g/kg/jour est conseillé. Enfin, pour les personnes âgées souffrant de maladies aiguës ou chroniques, les besoins augmentaient encore davantage, atteignant entre 1,2 et 1,5 g/kg/jour, afin de compenser la dégradation accrue des protéines corporelles. Ces recommandations soulignent l’importance d’un apport protéique adapté aux conditions de vie et de santé des seniors4.

Pour les acides aminés indispensables, une mini-review publiée cette année a montré que les besoins en leucine étaient doublés chez les personnes âgées, et que les besoins en acides aminés soufrés (méthionine et cystéine) étaient aussi augmentés, notamment chez les hommes5. Ces besoins plus élevés peuvent s’expliquer par deux phénomènes :

  • La résistance anabolique, une diminution de la capacité des muscles à répondre aux signaux anaboliques6
  • L’augmentation de la rétention splanchnique, réduisant la biodisponibilité périphérique des acides aminés7

Concernant les athlètes ou les personnes pratiquant une activité physique régulière, la Société Internationale de Nutrition Sportive (International Society of Sports Nutrition) recommande, depuis 2017, un apport protéique journalier compris entre 1,4 et 2,0 g/kg/jour afin de maintenir ou augmenter la masse musculaire8. Ces besoins varient en fonction de l’âge, de l’apport énergétique, du type d’entraînement et du sport pratiqué. En France, l’AFSSA estimait en 2007 que les apports nutritionnels conseillés en protéines étaient situés entre 1,2 et 1,4 g/kg/jour pour les sportifs d’endurance et entre 1,3 et 1,5 g/kg/jour pour les disciplines de force. Ces estimations s’appliquaient aux personnes s’exerçant plus d’une heure par jour, 4 à 5 jours par semaine9.

Il n’y a pas, à ce jour, de recommandations d’apports ou d’estimations des besoins en acides aminés indispensables pour les sportifs. Une étude récente a cependant montré que les apports en acides aminés de sportifs pratiquant des sports anaérobiques ou aérobiques étaient bien supérieurs aux besoins de la population adulte générale10.

 

Les régimes végétariens en général, et la consommation de protéines végétales en particulier, sont associés à une réduction du risque de développer de nombreuses maladies. Cela peut passer par la présence de composés bioactifs et une meilleure composition nutritionnelle, comme le contenu en fibres par exemple. Cependant, les protéines végétales présentent des limitations par rapport aux protéines animales. Leur teneur en protéines est généralement plus faible, leur digestibilité réduite, et leur composition en acides aminés indispensables souvent incomplète11,12. Par exemple, les céréales manquent souvent de lysine, tandis que les légumineuses sont déficientes en acides aminés soufrés.

Une revue publiée en 2019 a détaillé les différences entre les protéines végétales et animales en termes de qualité anabolique. Les protéines végétales souffrent d’une digestibilité moindre et/ou d’un déficit en certains acides aminés essentiels. En conséquence, leur biodisponibilité périphérique est plus faible, notamment en raison d’une rétention splanchnique et de pertes accrues par dégradation des acides aminés. Par ailleurs, à apport équivalent, les protéines végétales stimulent moins efficacement la synthèse protéique musculaire que les protéines animales, en grande partie à cause de leur plus faible digestibilité et d’une teneur réduite en leucine11.

 

Une récente étude de simulation a révélé qu’après avoir pris en compte la digestibilité et la biodisponibilité, les apports en protéines des personnes suivant un régime végétarien dépassaient les besoins nutritionnels13. Cependant, cette conclusion ne s’applique pas aux végétaliens, pour qui les apports peuvent être insuffisants. Ainsi, les régimes végétariens en général, et le régime végétalien en particulier pourraient ne pas fournir suffisamment de protéines et de leucine pour favoriser l’anabolisme postprandial14,15. Une étude publiée cette année recommande même aux adultes de plus de 65 ans de ne pas consommer de régime végétalien tant que les conséquences négatives potentielles sur les muscles n’ont pas été mieux établies14. Toutefois, en 2021, Dardevet et al. estimaient qu’il était possible de végétaliser l’alimentation des personnes âgées en faisant en sorte de mélanger les sources protéiques au sein d’un même repas pour éviter les déficits en acides aminés, de maintenir une proportion de protéines animales de haute qualité, et d’augmenter l’apport total en protéines6.

Concernant l’activité sportive, plusieurs études ont montré qu’avec un apport protéique adéquat, il n’existe pas de différence notable dans la synthèse musculaire postprandiale entre un régime omnivore et un régime végétarien ou végétalien16,17. Une revue de 2023 a également conclu qu’un régime végétarien n’entraîne pas de différences significatives en termes de performance physique par rapport à un régime omnivore18. En revanche, une étude récente a souligné que, bien que les protéines végétales puissent améliorer la capacité physique et les performances des individus en bonne santé, elles restent moins efficaces que les protéines issues de la viande de bœuf ou du lait19. Ainsi, d’une façon comparable aux recommandations pour les personnes âgées citées plus haut, il est possible pour un sportif de végétaliser son alimentation à condition d’avoir un apport suffisant en protéines et acides aminés indispensables et notamment en leucine.

 

En conclusion, il est possible de végétaliser l’alimentation des seniors et des sportifs à condition de respecter un apport qualitatif et quantitatif suffisant en protéines et acides aminés indispensables.  

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  1. 1. Végétariens et flexitariens en France en 2020 | FranceAgriMer
  2. 2. EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies (NDA). Scientific Opinion on Dietary Reference Values for protein. EFSA Journal (2012)
  3. 3. Anses. Avis de l’Anses relatif à l’actualisation des repères alimentaires du PNNS pour les femmes dès la ménopause et les hommes de plus de 65 ans. (2019)
  4. 4. Bauer, J. et al. Evidence-based recommendations for optimal dietary protein intake in older people: a position paper from the PROT-AGE Study Group. J. Am. Med. Dir. Assoc. (2013). 10.1016/j.jamda.2013.05.021
  5. 5. Paoletti, A., Courtney-Martin, G. & Elango, R. Determining amino acid requirements in humans. Frontiers in Nutrition (2024). 10.3389/fnut.2024.1400719
  6. 6. Dardevet, D. et al. Important determinants to take into account to optimize protein nutrition in the elderly: solutions to a complex equation. Proc. Nutr. Soc. (2021). 10.1017/S0029665120007934
  7. 7. Tezze, C., Sandri, M. & Tessari, P. Anabolic Resistance in the Pathogenesis of Sarcopenia in the Elderly: Role of Nutrition and Exercise in Young and Old People. Nutrients (2023). 10.3390/nu15184073
  8. 8.Jäger, R. et al. International Society of Sports Nutrition Position Stand: protein and exercise. J. Int. Soc. Sports Nutr. (2017). 10.1186/s12970-017-0177-8
  9. 9. Afssa. Apport En Protéines : Consommation, Qualité, Besoins et Recommandations. (2007)
  10. 10. Baranauskas, M., Kupčiūnaitė, I. & Stukas, R. Dietary Intake of Protein and Essential Amino Acids for Sustainable Muscle Development in Elite Male Athletes. Nutrients (2023). 10.3390/nu15184003
  11. 11. Berrazaga, I. et al. The Role of the Anabolic Properties of Plant- versus Animal-Based Protein Sources in Supporting Muscle Mass Maintenance: A Critical Review. Nutrients (2019). 10.3390/nu11081825
  12. 12. Day, L., Cakebread, J. A. & Loveday, S. M. Food proteins from animals and plants: Differences in the nutritional and functional properties. Trends Food Sci. Technol (2022). 10.1016/j.tifs.2021.12.020
  13. 13. Borkent, J. W. et al. A vegan dietary pattern is associated with high prevalence of inadequate protein intake in older adults; a simulation study. J. Nutr. Health Aging (2024). 10.1016/j.jnha.2024.100361
  14. 14. Domic, J. et al. Perspective : Vegan Diets for Older Adults? A Perspective On the Potential Impact On Muscle Mass and Strength. Advances in Nutrition (2023). 10.1093/advances/nmac009
  15. 15. Mariotti, F. & Gardner, C. D. Dietary Protein and Amino Acids in Vegetarian Diets—A Review. Nutrients (2019). 10.3390/nu11112661
  16. 16. Luna, F., Rossi, E. V. & Arrieta, E. M. Nutritional considerations for vegetarian athletes: A narrative review. Hum. Nutr. Metab. (2024). 10.1016/j.hnm.2024.200267
  17. 17. Monteyne, A. J. et al. Vegan and Omnivorous High Protein Diets Support Comparable Daily Myofibrillar Protein Synthesis Rates and Skeletal Muscle Hypertrophy in Young Adults. The Journal of Nutrition (2023). 10.1016/j.tjnut.2023.02.023
  18. 18. Maier, S. P. et al. Plant-based diets and sports performance: a clinical review. Sport Sci. Health (2023). 10.1007/s11332-023-01074-8
  19. 19. Zhao, S. et al. The effect of protein intake on athletic performance: a systematic review and meta-analysis. Frontiers in Nutrition (2024). 10.3389/fnut.2024.1455728

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