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Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) a publié, en juin dernier, ses recommandations pour l’élaboration du 5ᵉ Programme National Nutrition Santé (PNNS 2025-2030). Ce nouveau cadre stratégique, pilier de la politique française de santé publique depuis 2001, marque un tournant décisif : il ne s’agit plus seulement de mieux « manger » et « bouger », mais d’intégrer pleinement les dimensions environnementales, sociales et comportementales dans une approche globale de la santé.

Bilan contrasté du PNNS 4 : des avancées, mais des leviers trop faibles

Le PNNS 4 (2019-2023) a permis certaines réussites : généralisation du Nutri-Score, essor de la restauration collective durable avec des initiatives locales, développement des mobilités actives ou encore progrès dans l’éducation alimentaire avec le développement de programmes éducatifs autour de l’alimentation et de l’activité physique. Mais le HCSP pointe aussi des limites structurelles : dépendance excessive aux engagements volontaires des industriels, publicité et marketing alimentaire insuffisamment régulés (notamment en ligne), inégalités territoriales et sociales persistantes dans la mise en œuvre du PNNS, et faible impact global sur la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire.

Un changement de paradigme : de la nutrition à la santé durable

Le HCSP plaide pour un changement de dénomination du PNNS, estimant que le terme « nutrition » ne rend plus compte de la complexité actuelle des enjeux. Selon le HCSP, le futur programme devrait afficher explicitement ses nouveaux piliers : activité physique, sédentarité, sommeil et durabilité alimentaire. L’objectif est de promouvoir une vision holistique de la santé, cohérente avec la Stratégie Nationale Alimentation, Nutrition, Climat (SNANC) et les impératifs du changement climatique.

Trois priorités comportementales : bouger, dormir, moins s’asseoir

Pour la première fois, le sommeil entre officiellement dans le périmètre du PNNS. Le rapport rappelle que le déficit chronique de sommeil touche plus d’un tiers des adultes et altère les mécanismes métaboliques (contrôle de l’appétit, résistance à l’insuline, prise de poids). L’activité physique reste le socle central : chaque minute compte, et les bénéfices suivent une relation dose-réponse, même pour les efforts légers. Le HCSP distingue clairement sédentarité et inactivité physique, deux facteurs de risque indépendants pour les maladies chroniques. Il recommande alors d’intégrer au PNNS 5 le sommeil, l’activité physique et la réduction de la sédentarité, dans une approche cohérente et positive du mode de vie, au même titre que l’alimentation. Il préconise alors notamment :

  • d’associer le mot « DORMIR » aux mots symboliques des PNNS précédents (MANGER et BOUGER) ;
  • d’élaborer des recommandations de comportements intégrées sur 24 heures, combinant activité, sédentarité et sommeil ;
  • de créer des environnements favorables à l’activité physique, à la réduction de la sédentarité et à un sommeil de qualité : écoles accessibles à pied ou à vélo, espaces verts, bureaux assis-debout, réduction du bruit et de la pollution lumineuse ;
  • d’inclure une évaluation de la condition physique dans les bilans de prévention proposés par l’assurance maladie.

Pour une alimentation saine, durable et équitable

Le HCSP réaffirme la convergence entre santé humaine, santé planétaire et justice sociale, en s’appuyant sur le concept de « One Health ». Il appelle à la transformation des systèmes alimentaires selon trois leviers :

  1. une production agricole plus agroécologique,
  2. la réduction du gaspillage,
  3. une végétalisation accrue des régimes alimentaires.

Les repères nutritionnels doivent désormais inclure des critères environnementaux, économiques et toxicologiques. Les orientations principales sont claires :

  • diminuer la consommation de viandes et de produits ultra-transformés (et par la même occasion : clarifier la définition des AUT et en donner une liste),
  • favoriser les légumineuses (au moins 2 fois par semaine), fruits à coque (privilégier les noix), céréales complètes,
  • poursuivre la promotion de la consommation de 5 fruits et légumes, en favorisant ceux qui sont de saison et bio pour leur teneur limitée en pesticides,
  • renforcer la part de produits biologiques et locaux,
  • réduire l’exposition aux pesticides et contaminants.

Cette alimentation durable doit aussi rester abordable : le HCSP insiste sur la lutte contre la précarité alimentaire et la transition vers un droit à l’alimentation, potentiellement via une Sécurité sociale de l’alimentation.

Repenser l’environnement alimentaire : du marketing à la gouvernance

Pour réduire les inégalités de santé, le HCSP appelle à agir au-delà des comportements individuels, et notamment à :

  • encadrer plus strictement la publicité et le marketing alimentaires, notamment numériques (et notamment interdire les communications commerciales et ventes promotionnelles associées aux aliments de faible qualité nutritionnelle (classés D et E selon le Nutri-Score)) ;
  • passer des incitations volontaires à des mesures réglementaires et fiscales : envisager une taxe d’accise dépendante de la qualité nutritionnelle des produits inclus dans les catégories Nutri-Score D et E ;
  • négocier avec les professionnels des cibles quantifiées de reformulation à atteindre dans un horizon de 3 ans dans chacun de ces secteurs (à l’issue des 3 ans, les seuils définis deviendront d’application obligatoire par la réglementation) ;
  • Assurer la diffusion et l’utilisation du Nutri-Score par des mesures en France y compris dans les DROM, étende son usage à tous les produits alimentaires proposés directement aux consommateurs, et le promouvoir en Europe ;
  • soutenir les territoires (projets alimentaires de territoire, collectivités locales) avec des outils partagés, des financements stables et une évaluation systématique des politiques publiques.

En conclusion : un programme pour réconcilier santé, société et planète

Le PNNS 5 doit franchir un cap : dépasser les approches incitatives pour articuler objectifs de santé publique, équité sociale et durabilité environnementale. Le HCSP propose une vision ambitieuse pour ce PNNS 5, avec une approche systémique et intégrée renforçant les enjeux de santé publique et notamment les suivants : promotion de mode de vie actifs et de régimes alimentaires sains et durables, action sur l’environnement alimentaire avec un encadrement plus strict du marketing et des mesures règlementaires, réduction de la précarité alimentaire.

Sources :

Recommandations pour l’élaboration du 5e programme national nutrition santé (PNNS), HCSP, 24/07/2025.

Recommandations pour l’élaboration du 5e programme national nutrition santé (PNNS) 2025-2030, SYNTHÈSE DES POINTS CLÉS, Septembre 2025, HCSP.

Recommandations pour l’élaboration du 5e programme national nutrition santé (PNNS), Rapport, HCSP, 10/06/2025.