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En juin l’année dernière, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l’économie (CGE) ont publié la 2ème partie de leur rapport « Prospective pour l’industrie agroalimentaire française à l’horizon 2040 ». Ils y présentent 4 scenarios prospectifs pour l’avenir de l’industrie alimentaire française, qui reposent principalement sur les dynamiques économiques, les évolutions de la consommation et les capacités d’adaptation des filières.
Scénario “Tintin”, le scénario tendanciel
Ce scénario prolonge les tendances actuelles c’est-à-dire : faible croissance économique, pressions budgétaires persistantes sur les ménages, perte de compétitivité des industries alimentaires et tensions sur les coûts des matières premières. Avec ce scénario, les marques de distributeurs (MDD) continuent de croître en parts de marché, tandis que les achats de produits bio ou sous signe de qualité n’augmentent pas au-delà du niveau atteint en 2023. L’innovation se concentre sur l’ultra-praticité. Le manque d’investissements et de main-d’œuvre (problèmes de recrutement et de compétence car rémunérations peu attractives, forte saisonnalité des emplois et faible attractivité de certaines localisations) accentue le déficit commercial alimentaire. Aussi, les entreprises se tournent davantage vers des fournisseurs hors de France et même hors d’Europe (car approvisionnement français ou européen insuffisant en qualité et en volume), on observe donc croissance des importations de matières premières hors UE.
Scénario “Astérix”, le scénario défensif
Ici, le secteur tente de résister à la spirale déclinante du scénario tendanciel évoqué ci-dessus. Malgré des efforts de décarbonation, l’impact du changement climatique n’a pas été suffisamment anticipé ; les investissements ont été insuffisants et non productifs, et ils ont réduit les capacités d’investissement de compétitivité des entreprises. Les petites structures disparaissent alors ou se regroupent, laissant place à de nouveaux leaders, capables de structurer des filières innovantes. En effet, ils ont davantage les moyens d’accéder aux financements, et donc de résister à la concurrence sur les prix. La consommation alimentaire se recentre sur des produits abordables, souvent ultra-transformés. Les marques d’entrée de gamme et MDD, dont la matière première agricole est importée à bas coût, prennent le dessus, atteignant jusqu’à 50% de la consommation alimentaire, tandis que les produits avec des signes de qualité s’orientent vers la vente en ligne spécialisée. On observe également un développement important des denrées alimentaires qui substituent les protéines animales traditionnelles ; elles permettent de répondre à une offre protéique moins chère et également à la tendance « végan » chez les jeunes générations et chez les 25-45 ans. La mise en œuvre du « Green deal » a impacté production agricole en France : baisse du volume des matières premières agricoles produites en France et, par voie de conséquence, augmentation des coûts de ces matières premières. La production agricole se tourne alors massivement vers l’énergie verte, limitant la diversité des matières premières.
Scénario “Popeye”, scénario de redressement
Dans ce scénario plus optimiste, la croissance économique revient progressivement, redonnant du pouvoir d’achat aux ménages. Les industries alimentaires ont investi en anticipation du changement climatique mais aussi pour renforcer leur compétitivité. On observe un regroupement de ces industries alimentaires autour de leaders qui investissent et contrôlent une grosse partie de la production agroalimentaire en France et en UE. Les marques nationales, premium et bio regagnent des parts de marché, aussi bien en GMS que via le e-commerce. Les alternatives aux protéines animales traditionnelles se développent et qui répondent à une offre protéique moins chère et au mode de consommation de type flexitarien. Les substituts végétaux et Novel Food s’installent alors durablement dans les habitudes de consommation. Par rapport à 2023, les coûts de l’énergie et des matières premières restent globalement élevés (hausse des matières agricoles françaises et baisse sur les produits importés), les industries agroalimentaires françaises optimisent alors la valorisation de leurs coproduits et sous-produits industriels. Elles tirent notamment parti des « molécules d’intérêt », très recherchées dans le secteur des Novel Foods. L’innovation est également dynamique du côté des emballages. L’approvisionnement reste majoritairement européen, avec, pour l’approvisionnement d’origine France, un accent mis sur la qualité et le haut de gamme. Enfin, avec ce scénario, le « Green Deal » n’est pas mis en œuvre : la production agricole française et européenne est alors stable.
Scénario “Marsupilami”, scénario disruptif
Ce scénario mise sur une transformation en profondeur du secteur. Grâce à une croissance modérée, certains ménages sont prêts à investir davantage dans leur alimentation. Le haut de gamme se développe, porté par des attentes fortes en matière de nutrition, d’écologie et de transparence sur l’origine des produits. L’industrie se réinvente autour de l’alimentation « biotechnologique ou de synthèse, de nouvelles protéines et d’aliments transformés mais sains et ultra-pratiques, avec un coût moindre. De nombreuses restructurations et partenariats intersectoriels voient le jour, tandis que les réglementations s’assouplissent pour favoriser l’innovation, même si de nouvelles normes apparaissent dans le contexte des « Novel Food». L’agriculture s’adapte aux changements climatiques en introduisant de nouvelles variétés et espèces végétales et en spécialisant les exploitations, entre haut de gamme et filières intégrées.
Le scénario bonus, celui généré par “ChatGPT”
Interrogée pour proposer un 5ème scénario, l’intelligence artificielle (ChatGPT) a imaginé une France agroalimentaire rayonnante : bio, locale, tournée vers les circuits courts et exportant ses innovations durables à l’échelle mondiale. Jugée trop idéale et déconnectée des réalités économiques par les auteurs du rapport, cette vision a été ironiquement rebaptisée “Martine au pays des IAA”.
Sources :
« Avenir des industries alimentaires françaises : quatre scénarios à la loupe », 17 février 2025 – Amelie Dereuder, PROCESS ALIMENTAIRE
« Prospective pour l’industrie agroalimentaire française à l’horizon 2040 – 2ème partie : Présentation des scenarii et des mesures correspondantes proposées », Rapport CGAAER n° 23066, CGE n° 2023/19/CGE/SG établi par Hervé LEJEUNE et Nicolas MAZIERES (CGAAER), François DE RYCK et Didier LE MOINE (CGE), Juin 2024.