Existe-t-il une définition officielle des « super-aliments » ?
Non, il n’existe pas de définition officielle, réglementaire, des « superaliments ». Il s’agit en fait d’un concept marketing apparu dans les années 90 aux Etats-Unis, pays généralement précurseur en matière de tendances. Au départ, on ne parlait pas de superaliments mais de superfruits.
C’est un terme à la fois simple et évocateur (« super-pouvoirs », « superforme »), et surtout bien plus positif que « aliment santé ». Cette appellation explique sans doute en partie l’intérêt que porte un grand nombre de consommateurs à ce type d’aliments…!
Comment les différencier des aliments santé ?
Les superaliments peuvent être définis comme des aliments qui prétendent, à tort ou à raison, posséder une « super » teneur en nutriments d’intérêt pour la santé. En cela, on peut les considérer comme une catégorie d’aliments santé, ce concept – lui aussi non réglementaire – désignant l’ensemble des denrées alimentaires qui affirment avoir des effets bénéfiques pour la santé. Parmi ces « aliments santé » peuvent donc figurer des aliments aux vertus santé fantaisistes aux côtés d’autres produits, comme les aliments diététiques et les compléments alimentaires qui, eux, sont strictement encadrés d’un point de vue réglementaire.
Tous les superaliments ont comme dénominateur commun d’être plus « naturels » – ou en tout cas perçus comme tels – que les alicaments classiques, et sont bien souvent utilisés traditionnellement dans l’alimentation de certains peuples.
Quels types de denrées alimentaires inclut-on dans cette catégorie ?
On y retrouve une très grande diversité de produits, les superaliments sont un grand « fourre-tout » ! Il peut tout aussi bien s’agir de produits frais ou bruts que de produits très transformés, comme des compléments alimentaires qui exploitent les vertus santé de tel ou tel superingrédient.
On peut distinguer 3 grandes classes de superaliments :
- Des aliments « bien de chez nous » comme certaines baies (cassis, myrtilles, cynorrhodon.), voire des aliments encore plus courants comme les choux, les brocolis, le chocolat, l’avocat, le saumon, les champignons de Paris ;
- Des aliments exotiques, inconnus comme les baies d’açaï, les graines de chia et la maca d’Amérique latine, les baies de goji très populaires en Chine, ou encore la pulpe de baobab en provenance d’Afrique ;
- Des aliments qui n’en sont pas (…pour nous !) dont font partie les microalgues : spiruline, chlorelle, klamath…
Quels sont les superaliments actuellement en vogue et ceux qui émergent, les plus prometteurs ?
Le chou kale venu des USA était très populaire il y a 2 ou 3 ans, mais l’engouement initial commence à s’estomper. De même pour la baie de goji qui essuie sans doute le revers des révélations sur sa teneur élevée en pesticides. Les « super eaux » (eau de cactus en relais de l’eau de coco), le fonio ou le teff (des céréales sans gluten très couramment utilisées en Afrique) font partie des superaliments encore peu connus mais qui pourraient percer ces prochaines années.
Mettre en avant les qualités exceptionnelles d’un aliment pour en faire le commerce est une pratique historique. Au Moyen Âge par exemple, pour vendre très cher la cannelle, les marchands racontaient qu’il fallait aller la chercher jusque dans le nid du Phénix, cet oiseau légendaire qui, régulièrement, renaissait de ses cendres, avec toute la portée symbolique que cela comporte (promesse de résurrection et de vie éternelle).
Comment expliquer leur popularité auprès des consommateurs ?
Si peu de chiffres sont disponibles sur le marché spécifique des superaliments, on ne peut néanmoins nier leur popularité auprès des consommateurs français (et étrangers) en quête de réassurance. Ils sont en effet en phase avec bon nombre de tendances traduisant les attentes actuelles des mangeurs :
- Naturalité : la plupart des superaliments valorisent leur caractère naturel. Ce sont généralement des aliments sauvages ou cultivés avec des méthodes agricoles douces, dans le respect des principes du commerce équitable pour ce qui est des produits exotiques ;
- Végétal : la grande majorité des superaliments sont des produits végétaux, le végétal étant l’une des tendances phares de l’alimentation, associée à la naturalité et l’éthique (le produit animal fait aujourd’hui l’objet d’une défiance liée aux impacts environnementaux de l’élevage, aux incidences de la consommation de produits carnés sur la santé, au non respect du bien-être des animaux) ;
- Santé : une attente à comprendre au sens large, incluant certes la prévention des pathologies, mais aussi et surtout la quête de bien-être aussi bien physique que mental, un incontournable dans nos sociétés modernes où l’accent est mis sur la performance ;
- Exotisme : pour une partie de la population très néophile et largement ouverte sur le monde. La dimension culturelle entre également en ligne de compte ;
- Authenticité : pour une autre partie de la population, plus néophobe. Certains superaliments autochtones (myrtilles, cassis, choux de Bruxelles, chanvre.) répondent à leurs attentes de produits locaux et traditionnels.
Quel est le profil type du consommateur de superaliments ?
Une étude de la fin des années 2000 a montré qu’il s’agissait plutôt de femmes d’âge moyen (30 à 50 ans) , diplômées du supérieur et disposant de revenus moyens à élevés. Ces critères socio-économiques sont couplés à des attitudes particulières : ce sont des femmes soucieuses de leur poids, attentives à leur santé, et globalement inquiètes face aux méfaits de l’alimentation moderne qu’elles jugent appauvrie en nutriments.
Par opposition à celles qui choisissent de repenser leur alimentation de façon globale (par exemple en cuisinant des légumes frais et de saison), ces consommatrices ont tendance à voir les superaliments comme une solution miracle pour compenser les déséquilibres alimentaires tout en profitant de leur praticité.
Quelles sont les promesses santé généralement associées à ces superaliments et comment sont-elles perçues par les consommateurs ?
Les Français sont d’une manière générale assez sceptiques face à l’idée qu’un aliment puisse les soigner, cet objectif est plutôt perçu comme étant du ressort du médicament. Ainsi, plus que la santé (limiter le risque de diabète, baisser la cholestérolémie,.), les promesses liées au bien-être sont plus parlantes pour le consommateur lambda, surtout pour les amateurs de superaliments qui, comme je l’ai dit précédemment, sont majoritairement d’âge moyen et en bonne santé.
Des thèmes comme l’énergie, la vitalité, la forme – qu’elle soit physique, intellectuelle, sexuelle – fonctionnent ainsi très bien dans un contexte de pression sociale où il faut exceller à tous les niveaux. Les superaliments surfent sur cette attente : bons pour le moral, pour se sentir mieux, moins stressé, plus en forme. Ce n’est pas pour rien que les Péruviens vantent les vertus aphrodisiaques de leur maca, en la rebaptisant « viagra des Incas ».
Au-delà des promesses santé, dans quelle mesure la portée symbolique ou l’histoire autour du superaliment influence-t-elle le consommateur ?
En France comme ailleurs, les gens veulent se réapproprier les aliments. Raconter l’histoire de l’aliment, surtout s’il est un peu exotique, c’est une manière de répondre à cette demande. La publicité joue d’ailleurs beaucoup sur cette dimension culturelle de l’alimentation. Les promesses santé ne sont pas suffisantes pour motiver l’achat, les consommateurs ayant besoin d’une part de rêve. Raconter que les Indiens Mapuche, le « Peuple de la terre », une communauté du sud du Chili, attribuent l’endurance de leurs guerriers à une petite baie qu’on appelle « maqui » sera plus vendeur que de vanter son pouvoir antioxydant.!
Cette attente s’explique en partie par une croyance universelle selon laquelle quand nous incorporons un aliment, nous pensons plus ou moins consciemment incorporer par la même occasion ses valeurs symboliques et culturelles : « je deviens ce que je mange ». Cette croyance est particulièrement importante s’agissant des superaliments porteurs de promesses fortes en matière de bien-être (minceur, vitalité, jeunesse et beauté éternelles,.) mais aussi de rêves (rites traditionnels, souvenirs de vacances,..).
Quelles sont les limites du marché ?
Elles sont de plusieurs ordres :
- Le risque de déception par rapport à l’efficacité du produit qui conduirait le consommateur soit à se détourner des superaliments d’une façon générale, soit à se laisser séduire par d’autres produits ;
- Des reproches liés à la provenance et au mode de production : certains produits viennent de loin (impact environnemental, coût,.), sont issus d’une agriculture chimique, sont produits industriellement et de façon non éthique. Que Choisir a révélé en 2010 un taux de pesticides particulièrement élevé dans des baies de goji…bio ! ;
- Des consommateurs méfiants, particulièrement en France, par rapport aux discours des marques et notamment aux discours ayant trait à la santé ;
- La concurrence d’autres modèles alimentaires surfant sur les mêmes tendances, en particulier le rééquilibrage alimentaire global.
En conclusion, les superaliments : effet de mode ou réel levier d’innovations en nutrition-santé ?
S’il existe un potentiel certain, il ne doit pas être exagéré car les consommateurs ne succomberont pas en masse. Cela reste un marché de niche.
Les superaliments sont au départ un effet de mode et font l’objet d’un turn-over important. Toutefois ils s’inscrivent dans des tendances alimentaires lourdes.
Pour perdurer, il ne suffit pas de raconter une belle histoire, il faut pouvoir apporter des preuves : une réalité historique, des vertus santé étayées scientifiquement, des fondements culturels, la caution d’experts,…autant d’éléments pour crédibiliser l’histoire et ainsi dépasser l’effet de mode. A titre d’exemple, les produits à base de chanvre, traditionnellement cultivé en Bretagne, font partie des success story.
Propos recueillis par Anne-Sophie Malhère,
LRBEVA NUTRITION