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Les travaux de recherche en comportement alimentaire soulignent le rôle des nutriments sur les réponses neuronales. Diverses voies sont en jeu : elles sont bien démontrées pour les lipides alimentaires, mais plus complexes pour les glucides. Quoiqu’il en soit, ces réponses neuronales sont importantes, puisqu’elles impactent la prise alimentaire. Le lien avec l’obésité et autres maladies métaboliques caractéristiques des sociétés occidentales peut donc être fait ; avec l’idée souvent mise en avant que les réponses neuronales des sujets obèses aux nutriments soient perturbées. Peu d’études existent pourtant à ce sujet.
Dans cette étude, un essai clinique en simple aveugle, randomisé et en cross-over, a été réalisé. 30 volontaires sains, et 30 volontaires obèses, ont été recrutés. Trois conditions expérimentales ont été définies : supplémentation en eau (250 mL, condition « contrôle »), supplémentation en glucose (125 g dans 250 mL, soit 500 kcal), et supplémentation en lipides (Intralipid à 20% dans 250 mL, soit 500 kcal). Après chaque supplémentation, deux mesures ont été effectuées : une mesure d’activité neuronale cérébrale par IRM, et une mesure de sécrétion de dopamine dans le striatum, par tomographie par émission monophotonique (TEMP). Les chercheurs ont également mesuré certains paramètres métaboliques circulants, même si l’intention première était de visualiser les effets au niveau cérébral des différentes supplémentations. Par définition, l’ordre de passage des trois conditions a été aléatoire pour chaque volontaire.
En complément de ce design expérimental, les volontaires obèses ont ensuite été soumis à un régime amaigrissant pendant 12 semaines, puis ont repassé les trois conditions expérimentales : l’objectif pour les auteurs est de voir l’effet éventuel de la perte de poids sur les réponses cérébrales. Au bout de 12 semaines, les volontaires ont effectivement eu une perte de poids d’environ 10%.
Les résultats d’IRM montrent des différences entre les personnes saines et les personnes obèses pour la réponse aux lipides, particulièrement dans les zones du noyau accumbens ainsi qu’au niveau du putamen. Surtout, les auteurs montrent que la perte de poids ne permet pas de revenir au niveau des personnes saines, en termes de réponse aux lipides alimentaires. Ces résultats d’IRM concordent avec les résultats obtenus pour la sécrétion de dopamine : si aucune différence n’est observée pour le glucose, des différences sont constatées pour les lipides. Et, là encore, la perte de poids ne semble pas avoir d’effet sur la sécrétion de dopamine, qui paraît être au même niveau qu’avant de démarrer le régime amaigrissant.
Cette absence de retour à la ligne de base constitue le principal résultat de cet article de recherche, sur lequel les auteurs communiquent. La prudence est cependant de mise sur le plan de l’analyse des données : contrairement à ce que sous-entendent les chercheurs, les données ont été analysées par rapport à la ligne de base de chaque volontaire (c’est-à-dire avant toute intervention expérimentale). En fait, les groupes n’ont pas été comparés directement entre-eux, les chercheurs considérant qu’ils n’avaient pas suffisamment de volontaires pour mettre en évidence de différence significative entre les groupes. Pourtant, les conclusions de l’article sous-entendent que la comparaison entre les groupes a été effectuée, ce qui n’est évidemment pas le cas. En l’état, il est donc pas possible de conclure formellement.
Une question se pose également concernant le design expérimental, qui consiste en l’administration entérale de nutriments. Ce design permet de faire travailler les volontaires en aveugle, et aussi de se focaliser uniquement sur la phase post-digestive des nutriments. Cette situation peut-elle néanmoins être considérée comme représentative de la vie réelle, aussi bien pour des personnes saines que pour des sujets obèses, compte tenu du rôle de la cavité buccale dans les signaux sensoriels ? Les résultats sont donc pour le moment spécifiques d’une nutrition entérale ; on ignore quels seraient les résultats obtenus si une nutrition « normale » avait été utilisée. Enfin, toujours dans le registre de la spécificité, les auteurs soulignent qu’un régime de perte de poids a été utilisé ; les résultats sont donc probablement spécifiques de ce régime, en attendant une extrapolation à tous les régimes amaigrissants.
Brain responses to nutrients are severely impaired and not reversed by weight loss in humans with obesity: a randomized crossover study.
Article publié le 12 juin 2023 dans Nature Metabolism.
Lien (accès restreint) : https://doi.org/10.1038/s42255-023-00816-9
Lire également l’éditorial associé à cette étude.
Obesity impairs brain responses to nutrients.
Éditorial publié le 12 juin 2023 dans Nature Metabolism.
Lien (accès restreint) : https://doi.org/10.1038/s42255-023-00822-x