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Les allergies alimentaires représentent un enjeu de santé en forte progression, touchant en moyenne 8 à 17 % des enfants et 10 % des adultes. Depuis 30 ans, une hausse significative des allergies est observée, attribuée à des changements de mode de vie et à une urbanisation croissante. Dans cette revue scientifique, les auteurs analysent les principaux déclencheurs, les facteurs de risque et les stratégies d’intervention.

L’enfance : moment clé de l’émergence des allergies

Les allergies alimentaires débutent majoritairement avant l’âge de 2 ans. Parmi les allergènes les plus fréquents chez les jeunes enfants, on trouve le lait de vache, l’œuf, le soja et le blé. Environ 60 % des enfants européens allergiques au lait tolèrent ce produit avant 12 mois, contre 41 % aux États-Unis à 4 ans. L’introduction précoce d’aliments allergènes dans le régime des nourrissons semble réduire les risques de développer des allergies, conformément à l’hypothèse de l’exposition orale précoce.

Adolescence : évolution et défis

Les allergies aux arachides, fruits à coque, poisson et fruits de mer, apparaissent souvent après l’enfance et persistent dans 80 % des cas. L’adolescence marque aussi une augmentation des réactions anaphylactiques : en Australie, les hospitalisations liées aux allergies ont doublé en cinq ans dans cette tranche d’âge. Une étude britannique a révélé que 5,5 % des adolescents présente une allergie alimentaire, le plus souvent aux noix et arachides. Des programmes d’éducation et de gestion des risques se montrent essentiels pour limiter les incidents graves.

Âge adulte : montée de nouvelles allergies et persistance

Contrairement aux idées reçues, des allergies alimentaires peuvent apparaître à l’âge adulte. Dans une enquête américaine, 15 % des allergies alimentaires recensées chez les adultes sont apparues après l’âge de 18 ans, notamment aux crustacés (2,9 %) et au poisson. Des cofacteurs comme l’alcool, le manque d’exercice et certains médicaments peuvent déclencher des réactions allergiques, nécessitant une vigilance renforcée.

Stratégies préventives et innovations thérapeutiques

Les allergies alimentaires ont des conséquences :

  • Sur le plan nutritionnel, elles contraignent les personnes allergiques à retirer des groupes d’aliments entiers, ce qui peut entraîner des carences en nutriments essentiels. Par exemple, l’éviction du lait, de l’œuf ou du blé chez les enfants peut limiter les apports en calcium, en protéines et en vitamines, essentiels à la croissance.
  • Sur le plan psychologique, les familles font souvent face à une anxiété accrue, alimentée par la crainte des réactions sévères, notamment en milieu scolaire ou lors des activités sociales. Les contraintes imposées par l’éviction de certains aliments peuvent également isoler les individus et limiter leur vie sociale.
  • Sur le plan financier, les consultations, les traitements de désensibilisation et l’achat de produits alimentaires spécifiques représentent un coût important pour les foyers.

 Pour répondre à ces défis, les « échelles de tolérance » apparaissent comme une méthode prometteuse chez les jeunes enfants. Cette stratégie consiste à introduire progressivement des formes modifiées ou cuites des aliments allergènes, comme le lait et l’œuf, en surveillant les réactions de l’enfant. Les études montrent que cette approche favorise la tolérance dans des proportions significatives : 76 % des enfants atteints de l’allergie au lait et 65 % de ceux allergiques à l’œuf peuvent ainsi développer une tolérance d’ici l’âge de cinq ans, des taux bien supérieurs à ceux observés dans les groupes suivant une éviction stricte.

Pour les adolescents et adultes, l’immunothérapie orale (ITO) est une approche récente visant à induire une tolérance, notamment pour l’arachide. L’ITO consiste à administrer des doses croissantes de l’allergène pour que l’organisme s’y habitue progressivement. Bien que cette méthode offre des perspectives intéressantes, elle comporte également des risques de réactions indésirables, allant de symptômes légers à des réactions plus graves, ce qui en limite l’application et nécessite un suivi médical strict.

L’essor des allergies alimentaires et les nouvelles stratégies d’intervention montrent l’importance d’un suivi adapté et basé sur les risques individuels. Comprendre l’évolution des allergies, depuis leur apparition jusqu’à leur résolution potentielle, permet non seulement de mieux gérer les risques et de favoriser la tolérance chez certains individus.

 

 

Source :

Lee, E.C.K., Trogen, B., Brady, K. et al. The Natural History and Risk Factors for the Development of Food Allergies in Children and Adults. Curr Allergy Asthma Rep 24, 121–131 (2024). https://doi.org/10.1007/s11882-024-01131-3