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La période estivale a été marquée par quelques actualités sur le sujet des dénominations des denrées alimentaires végétales. Un débat sensible sur l’étiquetage des produits d’origine végétale a été relancé au cours du Conseil « Agriculture et Pêche » qui s’est tenu mi-juin à Luxembourg et qui réunissait les ministres de l’Agriculture des 27 Etats membres de l’UE. Puis, en juillet, la Commission européenne a publié un projet de règlement. Ci-dessous le point sur la situation. 

Rappel du contexte européen

En décembre dernier, la Commission européenne a proposé des mesures visant à réviser l’organisation commune des marchés (OCM) pour renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur alimentaire, et donc leur pouvoir de négociation, répondant ainsi aux demandes des producteurs en faveur d’une rémunération plus juste de leur travail. L’objectif des Etats membres lors de la réunion de juin était alors d’appeler la Commission à présenter une initiative dans le cadre de cette réforme de l’OCM qui était attendue mi-juillet et qui est liée à la proposition relative à la Politique agricole commune (PAC) post-2027.

Certains eurodéputés avaient déjà fait part de leur position sur le sujet ; c’est le cas par exemple de l’eurodéputée française Céline Imart (Parti populaire européen, PPE), qui avait proposé, en mai dernier, l’amendement suivant, pour modifier le Règlement 1308/2013 et définir les « produits de viande » :

« (8 bis) Règlement 1308/2013 – Annexe VIII – Partie II bis “Viande, produits de viande et préparations de viande

  • Aux fins de la présente partie de la présente annexe, le terme « viande » désigne les parties comestibles des animaux visés aux points 1.2 à 1.8 de l’annexe I du règlement (CE) n° 853/2004, y compris le sang. Les termes et dénominations relatifs à la viande relevant de l’article 17 du règlement (UE) n° 1169/2011 et actuellement utilisés pour désigner la viande et les découpes de viande sont réservés exclusivement aux parties comestibles des animaux.
  • On entend par « préparations de viande » la viande fraîche, y compris la viande réduite en fragments, à laquelle ont été ajoutés des denrées alimentaires, des assaisonnements ou des additifs, ou qui a subi des transformations n’altérant pas suffisamment la structure des fibres musculaires internes pour que les caractéristiques de la viande fraîche soient perdues.
  • On entend par « produits carnés » les produits transformés résultant de la transformation de la viande ou de la transformation ultérieure de tels produits transformés, de sorte que la surface de coupe montre que le produit ne présente plus les caractéristiques de la viande fraîche. Les dénominations relevant de l’article 17 du règlement (UE) n° 1169/2011 et actuellement utilisées pour désigner des produits carnés et des préparations de viande sont réservées exclusivement aux produits contenant de la viande. Ces dénominations incluent, par exemple : Steak – Escalope – Saucisse – Burger – Hamburger – Jaune d’œuf – Blanc d’œuf. 
  • Les produits et découpes de volaille définis dans le règlement (UE) n° 543/2008, qui établit les règles d’application du règlement (UE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les normes de commercialisation de la viande de volaille, sont réservés exclusivement aux parties comestibles des animaux et aux produits contenant de la viande de volaille.
  • Les dénominations susmentionnées ne peuvent être utilisées pour aucun produit autre que les produits qui y sont visés et excluent les produits issus de culture cellulaire. »

 

Pour rappel, plusieurs pays avaient déjà pris des initiatives sur le sujet :

  • France: deux décrets avaient été publiés pour interdire l’utilisation de noms usuels ou descriptifs constitués de termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie, pour décrire, commercialiser ou promouvoir des denrées comportant des protéines végétales. Mais après avoir saisi la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’Etat français les a finalement annulés, pour motif d’illégalité. La CJUE avait en effet conclu que la règlementation européenne s’oppose à ce que les États membres de l’UE puissent décider de mesures nationales pour règlementer ou interdire l’utilisation de noms usuels ou descriptifs (autres que des dénominations légales), pour décrire, commercialiser ou faire la promotion de denrées alimentaires contenant des protéines végétales (voir notre article).
  • République tchèque: il était envisagé de renforcer la règlementation nationale pour restreindre l’utilisation de dénominations telles que « saucisse » ou « boulette de viande », mais le ministre de l’Agriculture a finalement récemment décidé d’abandonner ce projet.
  • Espagne: adoptée en 2014, une loi définit plus de 80 produits à base de viande, interdisant ainsi l’utilisation de ces termes pour les produits végétaux.
  • Italie: un projet de loi visant à encadrer strictement l’utilisation des dénominations « lait » et « produits laitiers » pour éviter toute confusion avec des produits d’origine végétale, et introduisant des sanctions contre l’usage abusif de ces termes, a été notifié à la Commission européenne fin mai. Il était soumis à une période de statu quo qui courrait jusqu’au 27 août dernier (voir notre article).

Une coalition d’Etats membres mobilisée sur le sujet

« La protection des appellations traditionnelles des produits d’origine animale » : telle était nommée la discussion qui a eu lieu mi-juin à Luxembourg. Plusieurs pays en étaient à l’initiative : la République tchèque, l’Autriche, la Hongrie, l’Italie et la Slovaquie, avec le soutien de la France, de Malte, de l’Espagne, de la Roumanie et du Luxembourg. Cette coalition d’Etats membres s’est prononcée en faveur de l’interdiction de l’utilisation des noms traditionnellement associés à la viande pour désigner des produits végétaux, et de l’élaboration de nouvelles règles concernant les dénominations de la viande, du poisson et des produits dérivés.

Ces Etats membres ont souligné l’importance d’éviter toute tromperie du consommateur sur la nature des produits via leur étiquetage, et de protéger la filière carnée. Cette discussion s’est inscrite dans une dynamique globale de clarification des dénominations alimentaires au sein du marché intérieur, dans laquelle des termes comme “lait” et “fromage” sont déjà protégés par la règlementation européenne depuis bien longtemps, mais pas encore ceux liés à la viande.

D’ailleurs, dans la note qui a été présentée au Conseil, ces pays ont indiqué que sans action à l’échelle de l’UE, les gouvernements nationaux pourraient suivre leur propre voie pour encadrer le sujet, ce qui pourrait conduire à des divergences règlementaires au sein même de l’UE.

Le commissaire compétent, Christophe Hansen, a déclaré qu’il prendrait en considération cette requête et qu’il allait examiner comment avancer sur ce sujet sensible (N.B. : un projet de texte avait été rejeté par le Parlement européen il y a 5 ans). Il a par ailleurs rappelé la conclusion de la CJUE évoquée ci-dessus, contredisant le décret pris par la France, soulignant le fait que la Cour avait estimé qu’à défaut d’avoir défini des dénominations légales, un Etat membre ne peut interdire l’utilisation, par les producteurs de denrées à base de protéines végétales, de dénominations usuelles ou descriptives pour désigner un produit.

Publication d’un projet de règlement européen

Le 16 juillet dernier la Commission européenne a publié un projet de règlement modifiant le règlement (UE) n° 1308/2013 concernant plusieurs sujets dont la possibilité d’établir des normes de commercialisation pour le fromage, les protéagineux et la viande.

Dans l’explication du contexte de ce projet de règlement, la CE indique : « Désignations de la viande : Des dispositions juridiques spécifiques devraient être introduites pour protéger les mentions relatives à la viande afin d’améliorer la transparence sur le marché intérieur en ce qui concerne la composition et le contenu nutritionnel des aliments et de garantir que les consommateurs puissent faire des choix éclairés, en particulier ceux qui recherchent un contenu nutritionnel spécifique traditionnellement associé aux produits carnés. 

Aussi le considérant 16 de cette proposition de règlement rappelle que le secteur de l’élevage en UE est particulièrement vulnérable aux chocs et à la concurrence mondiale et doit respecter des normes de production élevées, qui ne sont pas toujours récompensées par le marché, alors que c’est un élément essentiel de l’agriculture, de la compétitivité et de la cohésion de l’UE. Il indique donc qu’il est alors nécessaire de reconnaître la composition naturelle de la viande et des produits à base de viande, dans l’intérêt des producteurs et des consommateurs de l’Union, que les mentions relatives à la viande revêtent souvent une signification culturelle et historique et qu’il convient donc de les protéger pour améliorer la transparence (composition, valeur nutritionnelle) et garantir que les consommateurs puissent faire des choix éclairés.

L’Annexe I de cette proposition de règlement modifierait (entre autres) l’Annexe VII du règlement UE 1308/2013, en y insérant une Partie I-a qui contiendrait les points suivants :

  • « Viande » désigne exclusivement les parties comestibles d’un animal.
  • Aux fins de la présente partie, « produits à base de viande » désigne les produits dérivés exclusivement de viande, étant entendu que les substances nécessaires à leur fabrication peuvent être ajoutées, à condition que ces substances ne soient pas utilisées pour remplacer, en tout ou en partie, un constituant de la viande.
  • Les dénominations suivantes sont réservées aux produits dérivés exclusivement de viande, à tous les stades de la commercialisation: Bœuf ; Veau ; Porc ; Volaille ; Poulet ; Dinde ; Canard ; Oie ; Agneau ; Mouton ; Ovin ; Caprin ; Pilon ; Filet ; Surlonge ; Flanc ; Longe ; Côtes ; Épaule ; Jarret ; Côtelette ; ​​Aile ; Poitrine ; Cuisse ; Poitrine ; Faux-filet ; T-bone ; Rumsteck ; Bacon.
  • Le terme « viande » et les désignations énumérées au point 3 peuvent également être utilisés en association avec un ou plusieurs mots pour désigner des produits composés dont aucune partie ne remplace ou n’est destinée à remplacer un constituant carné et dont la viande est un élément essentiel, que ce soit en termes de quantité ou de caractérisation du produit.

Ce projet de règlement qui vise notamment à interdire 29 termes spécifiques associés à la viande dans les produits d’origine végétale va certainement raviver des débats au niveau européen et national dans les semaines et mois à venir. Avant de pouvoir être adopté, le texte doit suivre la procédure législative classique : il doit être examiné par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ; il pourra alors être approuvé / amendé / rejeté par ces derniers ; le processus d’adoption peut alors encore être long.

 

 

Sources :

AMENDEMENTS 25 – 685, Projet de Rapport, Renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire Proposition de règlement (COM(2024)0577 – 2024/0319(COD)), Céline Imart, (PE772.032v01-00), 14/05/2025

Les ministres européens de l’Agriculture relancent le débat sur l’interdiction des « steaks végétariens », Marie Simon Arboleas, EURACTIV.com, 17/06/2025.

Nouvelle attaque contre le burger végétarien: les ministres européens de l’Agriculture réclament de nouvelles règles, Yorick Dupon & Matthias Bertrand, 7sur7.be, 24/06/2025.

Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant le règlement (UE) n° 1308/2013 en ce qui concerne le programme en faveur de la consommation de fruits, de légumes et de lait à l’école (ci-après dénommé « programme scolaire de l’UE »), les interventions sectorielles, la création d’un secteur des protéines, les exigences relatives au chanvre, la possibilité d’établir des normes de commercialisation pour le fromage, les protéagineux et la viande, l’application de droits d’importation supplémentaires, les règles relatives à la disponibilité des approvisionnements en cas d’urgence et de crise grave et les garanties, Commission européenne, 16/07/2025.

Image d’illustration de l’article générée par l’IA (ChatGPT)