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En théorie, une alimentation « équilibrée » suffit à atteindre les apports recommandés en micronutriments. Dans les faits, l’usage de compléments alimentaires est très répandu. La question posée par cette revue est : cette pratique est-elle justifiée, pour qui, et pour quels nutriments ?

Les auteurs évaluaient si la population générale pouvait couvrir ses besoins sans compléments et identifiaient les groupes à risque et micronutriments sensibles susceptibles de justifier une fortification ou une supplémentation ciblée

L’article commence par cadrer précisément le sujet : distinguer les « suppléments » (apports au-delà des recommandations) et les « compléments » (apports destinés à combler une inadéquation). Les auteurs replacent l’analyse dans le cadre des référentiels d’apports :

  • Besoin nutritionnel moyen (BNM) : besoin quotidien moyen au sein de la population
  • Référence nutritionnelle pour la population (RNP) : apport quotidien qui couvre le besoin de 97,5 % de la population. Remplace l’ANC. Souvent égal à BNM + 2 écarts-types
  • Apport satisfaisant (AS) : apport quotidien moyen d’une population ou d’un sous-groupe pour lequel le statut nutritionnel est jugé satisfaisant
  • Valeur nutritionnelle de référence (VNR) : valeurs alimentaires qui couvrent les précédentes et la limite supérieure de sécurité
  • Limite supérieure de sécurité (LSS) : quantité maximale d’un nutriment susceptible d’être consommé en toute sécurité

Sur le fond, plusieurs micronutriments ressortent comme particulièrement sensibles en Europe :

  • La vitamine B9 durant la période préconceptionnelle est reconnue pour son rôle protecteur contre les anomalies de fermeture du tube neural, ce qui a conduit à des recommandations largement adoptées. Cependant, ces recommandations doivent être appliquées avec prudence, car un apport excédant la limite de sécurité fixée à 1000 µg/j peut avoir des effets indésirables pour la mère et l’enfant.
  • La vitamine D (≈ 40 % des Européens sont en statut inadéquat, et 13 % sont carencés ; en France : 6,5 % en carence et 28 % seraient en déficit modéré), avec des causes principalement comportementales et environnementales et une offre alimentaire limitée en vecteurs, d’où des recommandations de 400–800 UI/j chez l’enfant et 1 000 UI/j chez l’adulte (2 000 UI/j chez le sujet âgé fragile/obèse) lorsqu’un déficit est avéré ou probable.
  • Le fer chez les femmes en âge de procréer : anémie (chez 5,2 et 9,4% des femmes non ménopausées) et faibles réserves (entre 19 et 22%) et déplétion (entre 15 et 23%). Cela nécessite un avis médical avec une supplémentation souvent médicamenteuse.
  • Enfin, l’iode mérite une attention soutenue (objectif à 250 µg/j en grossesse ou allaitement), les données françaises montrant des apports insuffisants chez une part notable des femmes en âge de procréer (43%) et des bénéfices de supplémentation pas toujours confirmés, avec un risque néonatal en cas d’excès (> 500 µg/j).

Au-delà des nutriments, le papier cartographie les contextes à risque : personnes âgées (plusieurs micronutriments sous les RNP et déclin des apports avec l’âge), petits mangeurs/régimes amaigrissants (RNP difficiles à atteindre pour de nombreux micronutriments, dont fer, vitamine C et D), et régimes d’exclusion (végétariens/végans), où la biodisponibilité moindre des minéraux d’origine végétale (fer, zinc, calcium) expose à des statuts biologiques altérés, avec risque majeur de carence en B12 en véganisme. En parallèle, les auteurs clarifient le rôle de la fortification (levier de santé publique, sous conditions d’innocuité/efficacité/suivi, vecteurs typiques : pain, sel, lait ; nutriments : fer, B9, iode) versus l’enrichissement (initiative industrielle), en alertant sur les cumuls (aliments enrichis et compléments) et le risque de surdosage, en particulier chez l’enfant.

Les principales causes de non-couverture des références nutritionnelles seraient les contraintes budgétaires, les causes organisationnelles liées au monde du travail, les modes de vie, le manque de compétences culinaires ou encore les régimes d’exclusion.

→ En conclusion, pour la majorité de la population, une alimentation variée (proche du modèle méditerranéen) permet souvent de couvrir les besoins sans compléments. Mais des poches d’inadéquation persistent, et certains publics nécessitent une approche graduée : 1/ optimiser l’assiette (qualité, diversité, accessibilité, recours raisonné à des aliments fortifiés) ; 2/ complémenter de façon ciblée quand l’alimentation ne suffit pas, en tenant compte des risques de dépassement.

 

« Couverture des besoins en micronutriments : est-ce possible sans recours aux compléments alimentaires ? »

Article publié le 08 août 2025 dans les Cahiers de Nutrition et de Diététique

Lien (article en accès libre) : https://doi.org/10.1016/j.cnd.2025.06.003

Photo d’illustration issue de la banque d’images Pixabay. Crédit : Bru-nO