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Alors que la Commission européenne étudie l’instauration d’une taxe européenne sur les produits riches en graisses, en sel et en sucre, avec l’objectif d’avancer sur ce sujet d’ici la fin d’année 2025 (voir notre article), la France remet actuellement le sujet de la taxation des produits sucrés sur la table dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Pour rappel, des amendements du projet de loi visant à instaurer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés avaient été adoptés par l’Assemblée nationale l’année dernière (dans le cadre du PLFSS 2025) mais l’adoption de ces amendements s’étant faite sans le soutien de l’exécutif, ils avaient disparu du projet de loi transmis au Sénat. Seule la « taxe soda » avait donc été révisée avec une augmentation des contributions pour les boissons sucrées (3 tranches d’imposition) et pour les boissons contenant des édulcorants de synthèse (voir notre article).
Zoom sur l’amendement adopté
Alors que l’examen du projet du PLFSS pour 2026 a débuté il y a quelques jours ; la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté hier l’amendement AS 1130, déposé le 20 octobre 2025. Cet amendement, qui modifierait le Code Général des Impôts (CGI), vise à instituer une contribution fiscale sur les « produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine contenant des sucres ajoutés ». Le produit de cette taxe serait affecté à la Caisse nationale d’assurance maladie. Les députés ayant déposé cet amendement expliquent d’ailleurs que cette taxe permettra d’améliorer la santé des Français et de financer des programmes de prévention, tout en préservant le modèle de justice fiscale pour les petites entreprises et les artisans. Ils rappellent la prévalence de l’obésité en France (10 millions de français en 2024), et soulignent qu’il est essentiel de responsabiliser les industriels de l’agroalimentaire afin de les inciter à diminuer la teneur en sucres ajoutés des produits alimentaires qu’ils proposent.
Concrètement, cette contribution s’appliquerait à la « première livraison » en France de ces produits (c’est à dire à la consommation de ces produits dans le cadre d’une activité économique) — sauf pour les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10 millions d’euros.
Le tarif proposé pour la contribution est le suivant :
- moins de 5 kg de sucres ajoutés par 100 kg de produits transformés : 4 €/100 kg ;
- entre 5 et 8 kg de sucres ajoutés par 100 kg de produits transformés : 21 €/100 kg;
- au-delà de 8 kg de sucres ajoutés par 100 kg de produits transformés : 35 €/100 kg.
A noter que l’amendement prévoit, pour le calcul de la quantité en kg de sucres ajoutés, d’arrondir à l’entier le plus proche (ex : 0,5kg -> 1kg). Aussi, ces montants seraient :
- actualisés chaque 1er janvier à compter de janvier 2026, selon l’évolution de l’indice des prix à la consommation de l’avant dernière année ;
- exprimés avec deux chiffres après la virgule (avec respect de la règle d’arrondi au chiffre supérieur si le deuxième chiffre est égal ou supérieur à 5).
L’amendement précise que cette contribution ne vise pas les boissons et préparations liquides visées par l’article 1613 ter du CGI (« taxe soda »).
Pour le secteur agroalimentaire, ce texte marque donc un tournant potentiel : il élargirait à l’alimentation transformée (au-delà des boissons) la logique d’un signal prix / sucres ajoutés, et imposerait un coût fiscal qui augmenterait fortement au-dessus de 8 kg de sucres ajoutés par 100 kg.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Cet amendement adopté par la Commission des affaires sociales hier doit désormais passer en séance publique à l’Assemblée nationale ; le début de ces séances est prévu à partir de mardi prochain, le 4 novembre 2025. Il faudra donc suivre – et éventuellement infléchir – les débats en hémicycle (amendements, discussions avec le gouvernement, arbitrages budgétaires).
Ensuite, le texte devra être examiné au Sénat, puis, en cas de navette, une commission mixte paritaire pourra être amenée à concilier les deux versions. Jusqu’à la validation définitive de cet amendement, des ajustements restent donc possibles (plafonds, périmètre, calendrier d’entrée en vigueur).
Source : AMENDEMENT N°AS1130 du 20/10/2025 déposé pour le PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2026 – (N° 1907), Mme Dubré-Chirat, M. Rousset, Mme Galliard-Minier, M. Le Gac, Mme Le Grip, Mme Le Nabour, M. Lauzzana, Mme Liso, Mme Thevenot, Mme Vidal, Mme Vignon, M. Mazars, M. Ledoux, M. Huyghe et Mme Melchior.
Crédit photo (bannière article) : Pixabay