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Lors du Congrès International de Nutrition (ICN 2025 – Paris), la professeure Marianne Geleijnse, chercheuse à l’université de Wageningen et vice-présidente du Conseil de la Santé des Pays-Bas, a exploré les limites de la personnalisation nutritionnelle dans les politiques publiques. Une question centrale guide sa réflexion : jusqu’où peut-on individualiser les recommandations alimentaires à l’échelle d’une population ?

Des recommandations collectives à la personnalisation des conseils

Les recommandations nutritionnelles actuelles visent à répondre aux besoins de santé du plus grand nombre. Elles sont spécifiques à chaque pays et adaptées à différents groupes cibles (enfants, femmes enceintes, seniors, etc.), sur la base de preuves scientifiques solides issues d’essais cliniques et d’études de cohorte. Elles tiennent également compte de facteurs culturels, économiques et environnementaux, pour assurer un équilibre entre santé, accessibilité et durabilité.

La nutrition personnalisée va un pas plus loin. Elle consiste à adapter les conseils alimentaires aux caractéristiques propres de chaque individu : âge, sexe, statut de santé, niveau d’activité, préférences ou contraintes socio-économiques. Elle reste toutefois fondée sur des données observables ou déclaratives, accessibles sans analyses biologiques complexes. Dans ce sens, les recommandations nationales intègrent déjà en partie cette logique de personnalisation.

La nutrition de précision pousse plus loin cette démarche en s’appuyant sur des données biologiques individuelles :

  • génomique (interaction entre les gènes et les nutriments) ;
  • métabolomique, protéomique, transcriptomique (analyses du métabolisme individuel) ;
  • microbiote intestinal ;
  • biomarqueurs sanguins (cholestérol, glucose, hormones, etc.).

Cette approche vise à adapter finement l’alimentation à la physiologie propre de chaque individu. Mais pour Marianne Geleijnse, elle reste hors de portée d’une mise en œuvre populationnelle. Les raisons sont multiples :

  • Un manque de preuves scientifiques robustes : les études disponibles restent limitées à de petits échantillons et sur des durées trop courtes ;
  • Des coûts disproportionnés par rapport aux bénéfices attendus à l’échelle populationnelle ;
  • Des contraintes réglementaires et éthiques liées à la gestion des données personnelles sensibles ;
  • Des obstacles logistiques majeurs : comment adapter des campagnes nationales à une infinité de profils individuels ?

Des messages simples, garants d’efficacité collective

Selon Marianne Geleijnse, la santé publique repose avant tout sur des messages clairs et lisibles : une personnalisation excessive risquerait, selon elle, de brouiller les repères essentiels.
Les politiques nutritionnelles doivent donc s’appuyer sur des recommandations scientifiquement fondées et compréhensibles par tous.

Si la nutrition personnalisée peut inspirer des actions de prévention plus ciblées, la nutrition de précision relève davantage du suivi clinique individuel, compte tenu de la complexité et du coût des outils qu’elle mobilise.

À l’échelle de la population, l’enjeu est de trouver un juste équilibre entre personnalisation et cohérence collective, en s’appuyant sur des repères solides et partagés. La priorité demeure la promotion de comportements favorables à la santé — alimentation équilibrée, activité physique, modération — à travers des messages simples, cohérents et accessibles à tous.

 

Sources:

CERIN: ICN 2025 – Focus sur la nutrition personnalisée et l’alimentation consciente 

Geleijnse JM. « Enjeux et limites de la nutrition personnalisée en santé publique ». Communication orale, 23ᵉ Congrès International de Nutrition (ICN 2025), Paris, 24-29 août 2025.