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Alors que la transformation de nos systèmes alimentaires devient un impératif à la fois sanitaire et environnemental, une question revient avec insistance : dans quelle mesure les populations européennes mangent-elles réellement de manière durable ?
Pour y répondre, une équipe de chercheurs du projet européen PLAN’EAT a publié en 2024, dans Frontiers in Nutrition, une analyse approfondie de l’adhésion au Planetary Health Diet (PHD) dans 11 pays européens.

Le Planetary Health Diet, proposé par la EAT-Lancet Commission en 2019, reste aujourd’hui la référence mondiale pour concilier santé humaine et durabilité planétaire. Ce modèle repose sur une forte proportion d’aliments d’origine végétale — fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses, noix et graines — tout en limitant la viande rouge, les produits laitiers et les sucres ajoutés. Concrètement, il fixe des plages de consommation journalières (en grammes et en énergie totale) pour 14 groupes d’aliments, considérées comme compatibles à la fois avec la santé et avec les limites écologiques planétaires (biodiversité, eau, climat).

Mais où en est réellement l’Europe dans cette transition alimentaire ?

C’est la question à laquelle des chercheurs ont essayé de répondre en analysant les données alimentaires de plus de 30 000 adultes issus de 11 pays (Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Royaume-Uni), à travers différents indices de qualité de l’alimentation : le EAT-Lancet Diet Score (ELDS), le Planetary Health Diet Index (PHDI) et le plus récent WISH 2.0 (World Index for Sustainability and Health).

L’un des apports majeurs de cette étude est la comparaison des outils de mesure de la qualité alimentaire.

  • Le EAT-Lancet Diet Score (ELDS) attribue un point pour chaque groupe d’aliments respectant les seuils du PHD, ce qui permet une lecture simple mais binaire.
  • Le Planetary Health Diet Index (PHDI) utilise une échelle continue, plus fine, en pondérant chaque groupe selon son importance nutritionnelle.
  • Le WISH 2.0 élargit le champ d’analyse à davantage de catégories alimentaires et intègre des indicateurs environnementaux mis à jour, comme les émissions de gaz à effet de serre ou l’impact sur la biodiversité.

Des écarts importants entre les pays européens

Les pays méditerranéens, comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal, affichent les meilleurs scores d’adhésion. Leur tradition culinaire, naturellement riche en légumes, huile d’olive, légumineuses et poissons, favorise une alimentation proche des principes du PHD. Par exemple, la consommation moyenne de légumineuses y atteint 50 à 60 g par jour, contre moins de 20 g en moyenne dans les pays d’Europe du Nord.
À l’inverse, les pays d’Europe du Nord et de l’Est, tels que la Finlande ou la Pologne, se situent en bas du classement. Leur alimentation reste marquée par une forte consommation de viande rouge, de charcuteries et de produits laitiers, souvent au détriment des protéines végétales et des noix.

La France occupe une position intermédiaire : si la diversité alimentaire et la consommation de fruits et légumes sont globalement bonnes, la part des produits animaux et des aliments transformés reste supérieure aux recommandations du PHD.

De plus les auteurs montrent que le WISH 2.0 présente un pouvoir discriminant supérieur, capable de mieux différencier les profils alimentaires selon le sexe, l’âge ou le pays. Par exemple, il révèle que les femmes présentent en moyenne des scores plus élevés que les hommes dans presque tous les pays étudiés, traduisant une meilleure adéquation à la fois aux recommandations de santé et de durabilité.

Des perspectives pour les politiques publiques

Au-delà du constat, les chercheurs insistent sur la valeur stratégique de ces indices pour orienter les politiques alimentaires.

Le WISH 2.0 se distingue par sa praticabilité et sa flexibilité : il peut être adapté à différents contextes culturels et utilisé par les autorités de santé pour suivre les transitions alimentaires au fil du temps. Intégré dans les systèmes de surveillance nationaux et européens, il permettrait d’identifier les zones ou les groupes de population où l’adhésion au régime durable est la plus faible — par exemple les jeunes hommes en Europe du Nord — et de concevoir des interventions ciblées.

 

À l’heure où l’Union européenne cherche à concilier stratégie “Farm to Fork” et politiques nutritionnelles, le WISH 2.0 apparaît comme un indicateur clé pour mesurer les progrès vers des régimes à la fois plus sains et plus respectueux de la planète.

 

Source : Bohm, V., Wądołowska, L., Rippin, H. L., Strijbis, A. M., Valsta, L. M., Korkalo, L., Wendt, D., Ulaszewska, M. M., Sonestedt, E., O’Connor, D., et al. (2024).
Mapping of the adherence to the planetary health diet in 11 European countries: comparison of different diet quality indices as a result of the PLAN’EAT project.
Frontiers in Nutrition, 11, 1645824. https://doi.org/10.3389/fnut.2024.1645824